L'Epée et la coupe dans le contexte de la quête du Graal

L’EPEE ET LA COUPE DANS LE CONTEXTE DE LA QUÊTE DU GRAAL

 

L’épée est également l’un des éléments fondamentaux de la quête. Elle symbolise, au sens le plus élevé, la Sagesse et la Puissance du Verbe. Elle est par excellence, l’arme de la Connaissance et des combats spirituels, et sur ce point, elle n’est pas sans rapport avec la Dame qui, nous l’avons vu, représente  l’autorité spirituelle et connaissante, « l’oiseau qui regarde sans manger ». C’est pour cette raison que l’épée est souvent remise au héros par la Dame elle-même, et que c’est elle qui indique le moyen de la ressouder si elle vient à se briser. D’autre fois, on trouve l’épée enchâssée dans un roc ou dans un arbre d’où seule le chevalier qualifié peut l’extraire, image de la Connaissance enfouie au centre de l’Être, et qui ne sera extraite que par le « Connais-toi toi-même ». L’épée est toujours parfaitement adaptée au chevalier et il arrivera ainsi, par voie de conséquence, que celui-ci doive en changer au cours de sa quête, étant parvenu à une étape supérieure dans la Connaissance de Soi.

 

Le symbolisme du Graal est, comme celui de l’épée, fondamental. Il se présente, dans les romans arthuriens, sous la forme d’une coupe et parfois d’une pierre précieuse. Ces deux symboles sont d’ailleurs fort liés, car d’après la légende, le Graal, aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer, lors de la chute de ce dernier. Cette pierre ornant le front de Lucifer, n’est autre que le « troisième œil », celui qui voit au-delà des apparences et qui restitue à celui qui le porte « le sens de l’éternité ». Après la chute de Lucifer, le Graal fut confié à Adam, dans le paradis, mais celui-ci le perdit également après sa transgression car il ne put l’emporter « hors du Paradis ». Seth, anticipation du Christ, obtint de le retrouver. De là, il aurait été transmis jusqu’au Christ qui l’utilisa lors de la Cène, puis à Joseph d’Arimathie qui  y recueillit le sang du Rédempteur. Ainsi le Graal est un  équivalent du « Cœur du Christ », ainsi que du « Centre du Monde » (ce qui est le même au fond) car il contient le sang rédempteur, tout comme le Paradis contenait en puissance les fleuves de la vie.

 

Le Graal aurait été ensuite transporté par Joseph d’Arimathie et Nicodème (représentants des pouvoirs temporel et spirituel) en Grande-Bretagne. Là, le dernier fils de Joseph d’Arimathie fonda avec la fille de Nascien (descendant du roi Salomon) la dynastie des « Rois Pêcheurs », gardiens du Graal. C’est là que le roi Mordrain, beau-frère de Nascien, dévoré d’envie de contempler le Graal et n’étant point désigné pour le faire, voulut outrepasser l’interdiction et fut cruellement frappé par un ange qui lui perça les deux cuisses de sa lance. Le roi Mordrain porta depuis ce temps le nom de « Roi Méhaigné » (c’est-à-dire blessé), sachant qu’il ne guérirait que lorsque viendrait « Le Meilleur Chevalier du Monde » et que sitôt guéri, il pourrait enfin mourir. Telle est brièvement exposée l’histoire du Graal depuis son origine jusqu’au commencement des Temps Aventureux. Le thème du Graal n’est d’ailleurs pas à proprement parler une innovation dans le cycle arthurien puisqu’il possède un antécédent remarquable dans le chaudron celtique, qui constitue de la même façon, la source d’abondance et de résurrection de même que le lieu où se puise l’inspiration des bardes.

 

Le Château du Graal, appelé également « le Citadelle Aventureuse » ou Mont Salvage (« Mont du Sauveur », qui est en même temps la Montagne cosmique ») a ceci de propre qu’il n’apparaît qu’à ceux qui ne le cherchent pas ; en d’autres termes, il n’apparaît pas aux envieux mais à ceux qui se « cherchent eux-mêmes ». Quant au Graal lui-même, son approche demande une qualification et une préparation spirituelle très profonde ; en effet, comme l’Arbre de Vie gardé par la puissance « Chérubim », l’accès au Graal est sanctionné par une puissance destructrice qui foudroie, aveugle ou blesse les imprudents. Mais les vertus du Graal sont miraculeuses pour le chevalier qualifié : vertus de Lumière, de Révélation, vertus nourricières liées à la fonction eucharistique, vertus d’entretenir la vie au-delà  des limites humaines  (c’est le Roi Méhaigné), vertus de guérison et de victoire. La contemplation du Graal restitue l’état androgynique primordial, terme des petits Mystères, mais peut conduire plus loin encore.

 

Comme nous l’avons déjà signalé, le thème de la Dame se juxtapose parfois à celui du Graal, notamment dans le cas des gardiennes du Graal. On sait que le Graal ne peut être porté que par une vierge dont la pureté est absolue, mais ce fait n’est pas unique : nous retrouvons un cas analogue avec les Hespérides, gardiennes des pommes d’Or et, dans ce sens, il faut bien entendre que la fonction de la Dame, comme celle de la Vierge, ne peut être en effet que de détenir et révéler la Vie.

 

(Extrait du livre "L'initiation chevaleresque dans la Légende Arthurienne par Dominique Viseux, Ed. Dervy, 1980)

 



21/03/2007
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