Le nom "MORMON" attesté en 1650







COMMUNICATION D'ADAMA :

J'ai trouvé sur le site de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) dans ma recherche de trouver des termes où des éléments présents dans le livre de Mormon dans le passé, avant 1827, ce que j'appelle des éléments de "pré-mormonisme" que cela soit dans l'onomastique, la culture, l'ésotérisme ou dans la pratique religieuse.

Comme beaucoup le savent, de nombreux noms du Livre de Mormon sont assez étranges, et ne se retrouvent pas facilement dans d'autres textes, bien que de nombreuses recherches apologétiques où non aient été faites à ce sujet, rapprochant ces noms de l'Hébreu ancien.

Or j'ai été très surpris de découvrir un livre en date de 1650 qui se présente comme un livre "comique" et qui porte clairement le nom de "Mormon"!

Voici la fiche technique du livre publié par la B.N.F. :

Type : texte imprimé, monographie
Auteur(s) : La Mothe Le Vayer, François de (1629-1664)
Titre(s) : Le parasite Mormon [Texte imprimé] : histoire comique / [par l'abbé F. de La Mothe Le Vayer]
Publication : [S.l.] : [s.n.], 1650
Description matérielle : 204 p. ; in-8

Vous pouvez consulter ou télécharger cet ouvrage à l'adresse suivante :

Adresse : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109178d


Il est assez étonnant de retrouver ce nom ici, dans ce livre du XVIIe siècle, cela veut bien dire que ce mot existait déjà avant...ici, il semble extrait du Grec ancien.

J'aimerai bien avoir l'avis de Jupiter sur ce texte très étonnant, par le fait qu'il emploie le nom propre "Mormon"!!! Incroyable mais vrai.

Que réserve donc à l'historien des mormonismes le secret des bibliothèques du passé... Je pense que nous découvrirons des trésors, et que ces trésors sont loin encore d'être découvert, et ces trésors se trouvent dans des livres vraiment innatendus.

Il est très important de voir que le nom propre "MORMON" est présent dans un livre du XVIIe siècle, même si c'est un livre d'humour de l'époque. Cela veut dire qu'il peut se trouver encore ailleurs, et peut être dans un autre contexte plus sérieux. Vraiment très étrange... Et si au final, il avait déjà existé de par le passé, quelque part en Europe, un petit mouvement discret, spirituel, qui s'appelait déjà "Mormons"... A fouiller plus avant. C'est une hypothèse, mais pourquoi pas.

Quelques notes sur les auteurs de ce livre comique :


En 1650, paraît « L'Ovide en belle humeur » de son ami Dassoucy. Savinien le préface d'un huitain.

La même année, sous la signature de La Mothe Le Vayer Le Fils, paraît « Le parasite mormon ». Il s'agit en fait d'une oeuvre collective regroupant quelques anonymes écrivains du temps ; parmi ceux-ci on soupçonne la présence de Dassoucy, Chapelle, Lhermitte, Sorel, Cyrano et Scarron.

DERNIERE MINUTE :

En 1949, Stuart A . Galacher dans la revue d'érudition "Westen Folklore" fait déjà le rapprochement entre Joseph Smith, le nom Mormon, et ce livre paru en 1650. Voici le lien pour lire l'étude. Donc en fait, un historien avait déjà fait le parallèle, en effet, même si "le Parasite Mormon" n'est pas un livre religieux mais comique, n'empêche qu'il atteste l'existence du nom "mormon" dès le XVII e siècle... C'est un vrai pied de nez temporel. Cela veut dire, qu'il doit y avoir d'autres exemples, et peut être trouverons nous quelque chose en rapport direct avec le Livre de Mormon, la recherche des éléments du "pré-mormonisme" n'en est qu'a ses balbutiements.

Le lien pour consulter le travail de Stuart A. Galacher

http://www.jstor.org/pss/1497157

LE TEXTE DU PARASITE MORMON :


LE

PARASITE

MORMON,

HISTOIRE

COMIQUE

M.DC.L


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A

MONSIEVR

LE VAYER

DE BOVTIGNY.

MONSIEVR,

Vous l'auriez aussitost pour vostre amitié. Si vous trouuez pas vn Autheur dans Paris


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qui vous dédie des liures à ce prix-là, ie vous donneray celuy-cy pour rien. Considerez le bien encore vne fois. S'il est petit, c'est que l'impression en est menuë. Il y a bien de gros liures qui n'en disent pas tant. Il y a trois Histoires toutes entieres ; Il y a de la prose, & des vers; Il y a du Grec, & du Latin; sans conter le François


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dont il est tout plein. Ma foy, Monsieur, encore vn coup, il n'y a pas moyen pour le prix: Il faut estre Autheur ou Larron; Et si vous n'en donnez d'auantage,

Vostre Seruiteur.


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L'VN DES AVTHEVRS,

de ce Liure

AV LECTEVR.

Lecteur. Tout ce que ie t'aprendray de ce Liure, c'est qu'il ne sort pas de la main d'vn seul Autheur, & que nous sommes plusieurs qui y auons part. Pour nos noms, tu t'en passeras s'il te plaist; soit


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afin que cét ouurage, tel qu'il est, ait au moins cela de commun auec la pluspart des plus rares chefs-d'oeuures de la Nature, d'auoir vne origine inconnuë; soit que pour partir comme nous te venons de dire de plus d'vne plume, il encoure en cecy la disgrace de ces enfans, qui pour auoir plus d'vn pere, n'en trouuent pas vn qui veüille ad-


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uoüer. Quoy qu'il en soit, ie te puis tousiours asseurer, que ce n'est pas la crainte d'auoir offencé quelqu'vn dans cette espece de satyre, qui nous empesche d'y mettre nos noms. Elle n'est ny contre Dieu, ny contre le Roy, ny contre le Public; & pour les particuliers, s'il y en auoit quelqu'vn qui eust assez mauuaise oppinion de soy pour se croire dé-


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peint icy, nous tâcherions de le desabuser. Ie te veux pourtant bien protester en faueur de la verité, que nous n'auons iamais eu dessein de designer personne. Tu verras par exemple que dans l'histoire de Mormon, nous auons pris l'idée d'vn Parasite en general, & que nous luy auons imposé vn nom Grec, pour nous esloigner le plus qu'il


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nous a esté possible, du particulier, & de nostre siecle. En effet tu peux auoir leu que Mormon, ou μορμον [mormon] en Grec signifie la mesme chose qu''spouuantail* en François; Nom qui nous a semblé tres-propre pour denotet* vn Parasite, à cause que comme vn espouuantail dans vn champ, empesche les oyseaux de manger le grain qui y est semé; No-

stre Parasite de mesme quand il est vne fois à table, sçait bien faire en sorte que personne ne touche aux plats qui sont deuant luy. S'il estoit necessaire ie te ferois bien voir la mesme analogie dans tous les autres noms de cét ouurage. Mais cela n'en vaut pas la peine, & tu m'en croiras bien sur ma parole. Si tu prens la peine de lire ce Liure


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tout entier, tu remarqueras que c'est peut-estre icy le premier Roman qui se soit passé en vingt & quatre heures; & que la Regle d'vn iour y est obseruée comme dans les plus exactes Comedies. Adieu.


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LE

PARASITE

MORMON.

Ce fut sur les bords de la Seine, à quelques Stades de Vaugirard: Autrement, ce fut à Paris dans la Gréue, qu'il arriua il y a quelque temps vne histoire, sur laquelle c'est vne grande honte qu'on n'ait point encore fait de Chanson, ny d'image.


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O! vous les seuls presque dont nous recherchons l'estime, Chers amys,

[Note marginale] Le dessein des Autheurs estoit de faire peindre icy leurs amis, faisant grande chere autour d'vne belle table ronde, auec le nom de chacun d'eux au bas de leur portraict, & ces mots à costé, à table ronde il n'y a point de haut bout, pour euiter des ceremonies. Mais comme ils n'auoient pas dequoy fournir à la despence de ce festin, ils ont iugé plus à propos de prier Monsieur le Lecteur de suppléer par la force de son imagination au deffaut de la peinture.

Receuez ce grotesque ramas d'auantures & d'imaginations Burlesques.


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L'Horloge de ce bastiment qu'vn bel esprit diroit auoir esté à bon droit nommé l'Hostel de Ville, puis qu'on y va immoler toutes les victimes publiques, estoit preste de tuer par trois gros vilains coups qu'elle alloit sonner, vn criminel condamné d'estre bruslé à trois heures, quand on le vit arriuer dans sa charette, & s'arrester deuant le poteau qui deuoit estre le Dieu Terme de sa vie. Alors vn petit homme des assistans qui estoït Poëte, & fort grand amateur de l'Astrée, soupira ces vers auec plus de facilité, que s'il n'eust iamais fait autre chose que garder des moutons toute sa vie, ou que s'il eust beu de l'eau de Lignon.

Il est hors de luy-mesme, & pasle & languissant
Il le descouure assez par son corps jaunissant:


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4

Il semble que sa bile ardente en ses sorties,
Vueille peindre sa rage en toutes ses parties;
Et faire voir en luy, pour nous espouuanter,
Combien en ses effets elle est à redouter:
Que pour donner remede à l'ennuy qui l'aflige
La nature offensée ait fait voir vn prodige;
Que voyant son silence, à luy nuire obstiné,
Elle ait fait mille voix d'vn corps infortuné;
Que de mon iniustice elle vous entretienne;
Et luy preste sa langue au deffaut de la sienne:
Mais elle parle en vain, car il est condamné:
La Nature ne peut vaincre vn arrest donné.


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Ces paroles furent vn énigme pour toute l'assistance, & tout ce qu'on y pût comprendre, c'est que le Poëte auoit raison de dire que l'autre estoit pasle, car il l'estoit de telle sorte, qu'on eust dit que ses Iuges l'eussent fait enduire de souffre & d'huile, pour luy faire prendre feu plus facilement. Sa taille estoit si extraordinairement haute, que les plus spirituels des assistans disoient qu'il s'alloit bien vanger de la Iustice, en la ruinant en bois. Ses yeux enfonçez dans sa teste, sembloient s'y cacher pour euiter la veuë du funeste appareil de sa mort. La grandeur demesurée de son nez faisoit dire publiquement, que s'il eust veu aussi loin qu'il estoit long, il se fust bien donné de garde de tomber en ce mal-heur; Et sa bouche, fenduë trois doigts par delà les oreilles, s'entrouurant de fois à d'autres, fit croire aux plus auisez,


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que si son poumon auoit autant de force qu'elle auoit d'estenduë, il ne manqueroit pas tout esloigné de l'eau qu'il estoit, d'attirer à soy la riuiere pour esteindre le feu en la reiettant, & peut-estre mesme noyer toute la compagnie. Ce n'estoit pas son dessein neanmoins, & il n'auoit ouuert la bouche que pour demander à boire, & vn pain chaland.

Cette nouvelle façon de mourir estonna le badaut de telle sorte, qu'vn des plus raisonnables s'escria; Vela que c'est. Ces gens-là n'auont point d'autre Guieu que leur ventre, & y demandont ben putost du pain que des Messes. Ce discours en fit assembler plusieurs autres autour de celuy qui l'auoit prononcé: dont le pitaut enorgueilly; Ie sçauons pourtant da, s'escria-t'il quoy que personne ne le luy demandast, c'en que c'est pourquoy on le brusle; Et


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le cousin le Sargean nous la pourtant dit, da. He pourquoy ne nous l'auiet y pas dit? pis qu'il le sçauet ben. Hé pourquoy ne le sçauroit-il pas ben? pis qu'il est membre de Iutice, comme dit l'autre. O ben don. Dame, il estet de ces gens qui aimont mieux croire que Guieu est à la Messe, que d'y aller voir. Il diset en Latin qu'il n'y a point de Guieu; ce qui est ben pús meschan, pélamor qu'on y dït la Messe. Et pis on dit qu'il voyaget itou au Ponan. C'est à dire en bon François, qu'il estoit vn tantet Vigeon, c'est à dire, reuerence parlé, Sodomistre & Atheistre : Dame, la Iutice l'en a reprins comme de raison. C'est domage da cependan, car c'est vn bîau ieune homme. Samon, intérrompit vne femme. Hé! qu'est-ce que la biauté sans la bonté? Mamy, s'il n'y auoit de bonnes parsonnes qui priont Guieu pour les meschans, il y a


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long-temps que ces gens-là aurient fait bismer Paris: Puis elle finit par vn, Mon doux Giesus, mon Sauueur, mon Criateur, qu'elle souspira tournant les yeux dans la teste, en telle sorte qu'on n'en voyoit que le blanc.

Quelques gens d'esprit qui estoient là presents, ne se pûrent empescher de rire entendant tous ces beaux discours. Les Badauts s'en formaliserent, & se dirent long-temps les vns aux autres, qu'ils fesoient ben des entendus, pelamor qu'ils estient Monsieurs: Mais enfin ils se teurent pour entendre l'histoire du criminel, qu'vn de ces Messieurs, comme c'est la coustume en de telles rencontres, déduisoit à ses amis en ces termes.

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L'HISTOIRE

Du Parasite Mormon

Pvisque vous voulez sçauoir la cause de la mort de cét homme, il est raisonnable que vous appreniez quelque chose de sa naissance & de sa vie. Vous sçaurez donc que Dieu ayant dessein de punir le monde par ses trois fleaux ordinaires, y envoya il y à prés de trente années la peste, la guerre, & Mormon pour y causer la famine. Il executa si bien les ordres du Ciel, qu'auant mesme que de naistre il fit mourir sa mere de faim. Cette pauure femme fut tourmentée pendant sa grossesse d'vne Boulimie espouuantable: Mais elle auoit beau manger, elle


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n'en estoit pas plus grasse, & son ventre seul qui grossissoit à veuë d'oeil en profitoit, prenant pour luy tout ce qui estoit destiné à la nourriture des autres parties. Donc interrompit le Poëte qui auoit souspiré les Vers, il deuroit dire avec Ergasile des Captifs de Plaute,

Ce Squelette animé, cette Larve au teint blesme,
Incompatible à tous, incommode à soy-mesme,
La faim, cét animal auide & rauissant,
Qui ne cherche qu'à paistre, & se tue en paissant,
Ce spectre dont tousiours l'indigence est suiuie,
Ma porté dans ses flancs & m'a donné la vie.

Les Auditeurs furent fort estonnez de la saillie de cét homme qui leur estoit presque à tous inconnu,


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& quand il se fut appaisé, l'autre poursuiuit ainsi son Histoire.

Ce Parasite embrion affama donc sa mere de telle sorte, qu'il la fit enfin mourir. Le soir d'vn Mardy-gras, apres auoir esté en festin tout le long du iour, & avoir estonné de sa voracité prodigieuse toute la compagnie, on la vit tomber sur les plats, en disant d'vne voix foible & languissante, qu'elle mouroit de faim. Elle ne mentoit pas, car se* furent ses dernieres paroles, apres lesquelles on reconnut qu'elle estoit sans mouvement, & sans vie; heureuse au moins en ce poinct, d'auoir éuité la rencontre du Caresme son ennemy qui arriua deuant le poinct du iour.

Les Medecins furent incontinent appellez, & il ne faut pas demander si la tristesse fut grande par toute la maison, tant pour la mort de la mere, qu'à cause du peril que couroit l'enfant. On l'a* des-habilloit pour


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faire l'operation ordinaire en de pareils accidents, quand on fut bien estonné de voir vn gros garçon sortir de son ventre par vn grand troû qu'il y faisoit à belles dents. Ah! Dieu ils en sont desia au dessert, s'escria-t'il en s'eslançant legerement de sa mere sur la table. Il n'en dit pas dauantage: car il se mit à manger de telle sorte, que quand il eust eu cent bouches, il n'en eust pas eu assez pour proferer la moindre parole. Il asseura pourtant quelque temps apres, qu'il n'auoit mordu sa mere que depuis sa mort & par force, de peur d'estouffer dans vn corps ou la respiration ne portoit plus d'air: & les dernieres paroles qu'elle auoit tenuës, par lesquelles elle ne s'estoit plainte que de la faim, ayderent fort à le iustifier.

Ce conte auoit excité un grand esclat de risée, dont celuy qui le fesoit ne paroissant nullement eston-


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31*[=13]

né; Vous riez poursuiuit-il en riant luy mesme comme les autres, & vous auez peine à me croire: Sçachez pourtant que ie ne vous ay dit que la pure verité, & qu'on trouua de plus dans la matrice de sa mere, les os d'vn frere gemeau qu'il y auoit mangé. Vous deuriez dire qu'il les auoit mesme tous cassez pour en succer la moüelle, luy respondit l'vn de la compagnie en continuant de rire de plus belle. Ce que ie vous dis est, repliqua l'autre. D'abord il se mit à table, & ce fut pourquoy son pere ne luy donna point d'autre nourisse qu'vn Cuisinier, auquel encore vous puis-ie asseurer qu'il donnoit bien de l'exercice, la nature l'ayant doüé aussi bien que le Crocodile, du mouuement de la machoire superieure en bas, en depit d'Aristote; affin que la pesanteur de sa teste redoublant la force & la violence des coups qu'il donnoit aux viandes, les luy


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fist broyer auec plus de facilité. Adjoustez, dit le Poëte, que tout mouuement du haut en bas estant naturel, & celuy du bas en haut, violent & contraint, il semble que la nature nous deuroit faire manger par le premier, n'estoit qu'elle veut enseigner à l'homme qu'il ne doit manger que par violance & contrainte. Monsieur à raison repliqua l'Historien: Mais quoy qu'il en soit, si i'ay vn peu encheri sur la verité iusques icy, au moins vous puis-je asseurer que ie n'adjousteray rien que ie ne puisse verifier par le témoignage de mille personnes dignes de foy.

Premierement, ie me souuiens que ie ne vous ay point encore dit le nom de nostre homme. Il s'appelle Mormon, & eu*[=est] de bonne famille. La premiere chose que ses parents firent, fut de l'enuoyer à l'escole, pource qu'vn Prestre habitué de


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leur Paroisse le voyant si bien manger, leur auoit asseuré qu'il ne pouvoit manquer de deuenir bien sçauant, à cause, disoit-il, d'vn certain Proverbe qui porte que, Ingenij largiter venter. Ce mesme Prestre luy voulut apprendre aussi à seruir la Messe: Mais il eut beau faire, il ne pût iamais empescher Mormon de vuider la boëte de Corpus, & d'aualler le vin des burettes. Ce n'est pas qu'auec tout cela ce ne fust vn tres gentil enfant. On ne le voyoit point comme les autres tirer des noyaux à ses compagnons, pource qu'il les aualloit tous. Il estoit tousiours fort propre: Il ne crachoit point sur sa bauette, car il raualloit tousiours ses crachats, de peur de rien perdre; Il rongeoit si bien ses ongles, qu'il n'auoit garde de les auoir grands; & il s'estoit si bien accoustumé à mâ-cher les doits de ses gans, à cause qu'il en estoient de mouton, qu'il fal-


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loit bien qu'il en eust souuent de neufs. Cela estant ie vous laisse à penser s'il oublioit de faire la dinette à l'escole, affin d'auoir le moyen de desrober quelque chose du goûter de ses compagnons; & si quand il auoit querelle contr'eux, il les mordoit au lieu de les battre. Tousiours il auoit quelque trou à la teste, & c'estoit tousiours pour s'estre laissé tomber du haut de quelque escabeau, ou il estoit monté pour atteindre à l'armoire au pain, ou pour s'estre batu contre les crieurs de petits pastez, en leur voulant desrober quelques vns de leurs gasteaux. Cette viande luy plaisoit si fort, qu'il pensa mesme vne fois estre bruslé dans vn four chaud ou il s'estoit fourré pour attraper des darioles, & ... Alors le petit Poëte auançant sa teste par dessous l'aisselle d'vn des auditeurs; On pourroit icy, s'escria-t'il, appliquer vne


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belle pensée de Monsieur de Balzac. Elle est de ses lettres choisies, ou il escrit à vn pere en luy parlant de son fils qui s'estoit bruslé les doits en tirant des pommes du feu. Que iamais Enée n'auoit plus fait pour son pere, que cét enfant en faisoit tous les iours pour des pommes cuittes. Ainsi pourroit-on dire de Mormon que ... Mais pourquoy faire la reduction de cette pensée? N'est-elle pas assez claire?

L'Orateur supprime souuent
Ce que diroit vn moins sçauant.

... Poursuiuez. Poursuiuons donc puisque Monsieur le veut, continua l'autre; Mais à la charge qu'il ne m'interrompra plus, s'il luy plaist.

Mormon deuint donc si sçauant en peu de temps suiuant la prediction de l'habitué, qu'au bout de quinze iours on pouuoit dire dé-ja qu'il estoit sçauant iusqu'aux dents, & qu'il auoit mangé son breuiaire;


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ayant en effet rongé la couuerture de ses heures, & troqué le dedans contre vn de ses compagnons, pour vn quignon de pain. Mais comment n'auroit-il pas donné ses heures pour du pain, puis qu'il hasardoit bien ses doits pour de la viande? & qu'il les pensa laisser vne fois à vne sourissiere, ou ils demeurerent pris, & presque coupez, comme il en vouloit tirer de petits morceaux de lard qu'on y auoit mis pour apaster des souris. Si Monsieur que voyla, continua-t'il en montrant le Poëte, ayme autant les allusions que les vers, il ne manquera pas de dire que ie ne raporte cecy que pour luy faire accroire qu'il auoit mangé le lard. Mais pour vous montrer que ce n'est pas mon dessein, c'est que ie veux bien vous aduoüer qu'il ne le mangea pas pour ce coup, & que pour l'heure ses doits luy firent bien oublier sa bouche. Cro-


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yez pourtant qu'elle s'en vangea bien: Elle leur à tousiours voulu tant de mal depuis ce temps là, qu'il ne les y sçauroit presque porter qu'elle ne les morde: Tant il est vray que tout ce qui entre dans ce gouffre a peine d'en sortir, & que rien ne s'en peut sauuer. Il ne mesdit mesme qu'à caue*[=cause] de cela; c'est à dire pource qu'il n'y a rien sur quoy elle ne veuille mordre, ny qui puisse euiter ses atteintes.

Vous aurez peine à le croire. Il n'y auoit pas iusqu'à la lauûre des escuelles qu'il ne vist respandre auec regret, & dont il ne soupirast la perte par vn; C'est grand dommage de perdre tant de graisse. Aussi l'aimoit-il si fort, qu'estant deuenu plus grand il mangea plus de quinze liures de chandelle en moins de quinze iours, pource que son pere qui estoit vn bon Gaulois, croyant qu'il l'employast à veiller sur ses


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liures, luy en donnoit tant qu'il vouloit. Neantmoins la fourbe fut enfin descouuerte. On luy osta sa chandelle pour luy donner vne lampe: Mais ce fut inutilement, car il trouua moyen d'en consommer toute l'huile à faire des rosties.

Ce fut en ce temps que commençant à mettre le nez dans les Liures, il commença aussi d'auoir des regrets bien plus sensibles, que ceux qu'il auoit eus iusqu'à lors pour la lauûre des escuelles. Il souspiroit toutes les fois qu'il pensoit à la loüable coustume de ces anciens qui faisoient festin aux funerailles de leurs morts, & qu'il songeoit que cette belle coustume estoit abolie. Il ne pouuoit voir dans Plutarque les superbes banquets d'Antoine & de Cleopatre, ny ceux de Lucullus, sans mourir de regret de n'auoir pas esté de ce temps là, ou de ce qu'ils n'estoient pas de celuy-cy. Ah! di-
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soit-il, que nostre regent à bien raison de dire que le monde va tousiours de mal en pis. Maudit siecle de fer, s'escrioit-il d'autres fois en taschant de profiter de sa lecture ;

Combien es-tu contraire à cette aâge dorée

Ie sçay bien ce que vous voulez dire, interrompit brusquement le Poëte.

Combien es-tu contraire à cette aage dorée
Qui couloit du vieux temps de Saturne & de Rhée,
Où l'on dit que iamais n'entroit dans l'entretien,
D'autre discours sinon ; Tends ton assiette, tien.

Monsieur a mieux dit encore que ie n'eusse fait, continua l'Historien auec vn soûris, puis reprenant le fil de son discours, Vous ne sçauriez croire, poursuiuit-il, l'envie qu'il


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portoit à la Renommée, lors qu'il lisoit qu'elle auoit cent bouches, & la compassion qu'il en auoit, quand il faisoit reflection qu'elles n'estoient pleines que de vent. Cette pensée le faisoit tomber dans vne autre qui luy donnoit bien plus de desplaisir. Il se plaignoit de la Nature qui pour nourrir deux yeux, deux oreilles, deux bras, deux pieds, deux mains, deux jambes, vingt doigts, & plus de vingt mille cheveux, ne luy auoit donné qu'vne bouche, & qui pour l'achever de peindre, luy auoit fait encore vn estomach percé, qu'il comparoit quand il se mettoit sur son haut stile, au tonneau des Danaides. Des secrets de la Nature, il entroit dans ceux de son pere, & se faschoit de ce qu'on luy faisoit perdre le temps à ieusner dans des Colleges, au lieu de l'enuoyer apprendre à manger chez quelque bon Boucher, ou de


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luy faire garder des brebis; ce qu'il eust beaucoup desiré, non comme le Berger Lisis, ou quelques anciens, pour l'amour de la vie champestre ! Mais seulement à cause qu'il eust eu la consolation de se voir auec des moutons, & que les moutons sont bons à manger. Est-ce que vous craignez de deshonorer vostre famille? disoit-il à son pere sur ce sujet. Apollon s'en est bien meslé. Tenez mon pere, lisez dans mon Homere, & vous verrez qu'il ne croit pas pouuoir plus honorer les Rois, qu'en les appellant Pasteurs. Ce n'estoient pas les seuls discours qu'il luy tenoit. Il luy en conta bien d'autres vne fois que le bon-homme luy ayant veu boire vn plat d'aloüettes, comme s'il eust aualé vn verre de vin, luy dit, qu'il croyoit auoir achepté vne douzaine, & non pas vne pinte d'aloüetes. Houay ! mon pere, luy dit-il, ie croy


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que vous vous scandalisez de me voir beaucoup manger ? Hé : ne sçauez-vous pas que le feu ne l'emporte sur tous les elemens qu'à cause qu'il deuore les autres ? & que dans la Nature tous les corps sont plus ou moins nobles selon qu'ils mangent plus ou moins? Les pierres par exemple ne sont au dessous des Plantes, qu'à cause qu'elles ne se nourrissent point, & les bestes ne sont au dessus des Plantes; les hommes au dessus des bestes; & la plus-part des Rois au dessus des hommes, qu'à cause qu'ils se mangent tous les vns les autres. C'est pour cette mesme raison que le Lion & l'Aigle sont les Princes des animaux; & que les grenoüilles n'en creurent point auoir, que quand elles en eurent vn qui les deuoroit. Tant y a mon pere que le mesme temperament qui fait les bons esprits, fait aussi les bons mangeurs? C'est la bile qui fait


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les vns & les autres ; & tenez pour asseuré que maintenant mesme ie ne vous dis tant de belles choses qu'à cause que ie suis à table, & que ie mange en vous parlant. Ah ! mon pere, si ie pouuois aussi le faire en Classe, que ie deuiendrais sçauant en peu de temps, car l'autre iour à cause que i'auois seulement du pain dans ma poche, ie me souuiens que ie fis merueille, & que ie prouuay à nostre Regent, que quoy qu'en veuille dire Aristote, la mort n'est pas la plus terrible de toutes les choses terribles, puisque c'est la faim.

Sur ce mot de faim, l'vn de ces pitaux qui escoutoient l'Historien s'escria en l'interrompant ; Hé ben. Pisque c'est la faim, boutez don fain à vostre harangle, car palsangué, ça n'est ny biau ny honeste de se gausser ainsin du patiens. Tenez vela qu'on le va zecuter. Ils virent qu'en ef-


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fet le peuple s'esmouuoit autour de la charette ; & c'est ce qui contraignit l'Historien public de briser le conte de son Parasite, & de se contenter de leur dire, Mon Dieu ! ie suis bien fasché de ne vous pouuoir acheuer la vie de Mormon. I'auois bien encore de bonnes choses à vous conter. Ie vous eusse dit par exemple ;

Comme il quitta la Philosophie pour s'adonner à la lecture du banquet des sept Sages, & des propos de Table de Plutarque ; du Sympose de Platon ; du Conuiue de Xenophon ; des Deipnosophistes d'Athenée ; du Banquet de Lapithes de Lucien ; & de quelques autres Liures semblables.

Comme il se fit vne Geographie par les viandes qui viennent de châque pays, à l'imitation de ceux qui en ont traitté suiuant l'Histoire, & par les batailles. Par exemple sur le mot de chapon, il parloit du Mans :


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sur andoüille de Troye ; & sur jambon, de Mayence.

Comme il alloit tous les Dimanches à deux ou trois grandes Messes de suitte, pour auoir du Pain benist, & comme il appelloit cela, courir la Messe.

Comme il alloit en pelerinage à Gonesse & à Poissy, ausquels il auoit grande deuotion.

Comme il débesassa vn Religieux mendiant, pource que, disoit il, il entreprenoit sur son mestier; Et comme il se disoit mendiant seculier, & de robe courte.

Comme ses prieres du matin & du soir, estoient, Benedicite, & Graces, pource qu'il ne faisoit qu'vn repas qui duroit depuis le matin iusques au soir.

Comme il gaigne ceux qui gouuernent les principales Horloges de la Ville, affin que les faisant aller inégallement, il pust aller disner en


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plusieurs maisons de suite.

Comme souuent apres auoir disné aux meilleures tables, il se desguisoit en gueux pour manger encore de la soupe.

Comme il s'alloit promener dans la ruë de la Huchette, & disoit que c'estoit vne allée plus agreable que celles des Tuilleries, ny du Palais d'Orleans.

Comme il contrefit le deuot, & alla seruir les malades à l'Hostel-Dieu, & comme il fut descouuert mangeant en vn coin les plats qu'on luy auoit donnez à porter aux malades.

Enfin ie vous dirois comme il a esté accusé par deux de ses amis de Sodomie, & d'Atheisme, lesquels l'ont fait prendre sur le fait dans l'action de ces deux pechez; Et ie vous pourrois adjouster mille autres plaisantes particularitez de sa vie: Mais il faut vn peu regarder celles de sa mort.

Ils ietterent la dessus la veuë vers


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le posteau ; Mais ils n'y virent plus ny patient ny charette, & n'apperceurent qu'vn peu de peuple, lequel encore s'escoulloit de tous costez. Ils furent fort estonnez de voir que l'execution se fust faite sans qu'ils y eussent pris garde : Mais enfin ils se resolurent de s'en aller aussi bien que les autres. Comme ils estoient prests à se separer, l'vn des plus apparents de la troupe nommé Louuot, bruslant d'impatience d'apprendre la suitte de cette Histoire, pria celuy qui l'auoit racontée de venir souper en son logis. Il s'en excusa, mais il luy donna vn papier où il luy dit qu'il trouueroit quelque chose de ce qu'il desiroit de sçauoir. L'autre ne fut pas plustost de retour chez soy, que l'ayant ouuert il y leut ces paroles.


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C A T A L O G V E

Des Oeuures de Monsieur de Mormon, Conseiller du Roy, Gentilhomme de sa cuisine, & Controlleur General des Festins de France.

Imprimées à Paris Chez Martin Mangear, ruë de la Huchette , à l'Aloyau.

Panegyrique de la S. Martin, & des Roys.

Refutation d'vne pernicieuse doctrine introduite par vn certain Cornaro Venitien, & le Iesuite Lessius.


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Examen, & refutation du dire de sainct François Xavier, Satis est Domine, satis est.

Demonstration Physique, ou preuue que les peuples du Septentrion ne sont plus robustes que ceux du Midy, & ne les ont souuent vaincus, qu'à cause qu'ils mangent d'auantage.

Traité des quatre repas du iour. Leur Etymologie. Ensemble vne recherche curieuse sur la façon de manger des anciens, ou il est prouué qu'ils ne mangeoient couchez sur des lits, que pour montrer qu'il faut manger iour & nuict, & que qui mange dort, ou que le veritable repos se trouue à la table.

Les vies des Hommes Illustres Grecs & Romains, comparées les vnes aux autres, ou il est prouué par le mot Pergraecari, que les Grecs l'ont tousiours emporté sur les Romains.

Commentaire sur le cinquiéme


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Aphorisme d' Hipocrate, ou il est dit, qu'il est bien plus dangereux de manger peu, que trop. Ensemble, vne sommaire refutation du passage qui porte, que toute repletion est mauuaise.

Opuscule non sceptique contre cette commune façon de parler, Les premiers morceaux nuisent aux derniers.

Demonstration Mathematique, ou l'Autheur fait voir par la propre experience de son ventre, qu'il y a du vuide dans la nature.

De la Precellence du Benedicité, sur, Laus Deo.

Inuective contre celuy qui trouua moyen de prendre les Villes par famine : avec vn Eloge de Monsieur le Marquis de la Boulaye.

Priere à S. Laurent, pour le mal des dents.

Apologie du Pere Goulu contre Balzac.

Apotheose d'Apicius.


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Traitté de toutes les Marchandises dont on gouste auant que de les achepter.

Manuduction à la vie Parasitique, auec vne explication, & Apologie de ce mot.

L'anti-Pythagoricien, ou Refutation de la doctrine de Pythagore, qui deffendoit l'vsage de toutes les viandes qui auoient eu vie.

Commentaire sur les loix des douze tables.

De la loüable coustume introduite dans l'Eglise de manger de la chair depuis Noël iusqu'à la Chandeleur. Auec vne tres-humble supplication à nostre S.Pere de remettre la Chandeleur apres Pasques.

Le Cuisinier expert.

Le Cuisinier charitable.

Traitté des bons Chiens Tourne-broches, aussi vtile que ceux qu'on a faits iusqu'icy des Chiens de Chasse : Ensemble vne briefue, & vtile metho-


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de de les dresser.

Requeste à Monsieur le Lieutenant Ciuil à ce qu'il luy plaise faire deffence aux Cabaretiers d'auoir des plats dont le fonds s'esleue en bosse, ce qui est vne manifeste tromperie.

Autre Requeste à Nosseigneurs du Parlement, tendante à ce qu'il leur plaise faire deffence au Sieur Morin, & autres faiseurs d'Almanacs, de predire la famine, pource que cela le fait mourir de peur.

Les aduis de Monsieur de Mormom*, qui sont.

Aduis aux Minimes & autres Religieux, de contre-faire souuent les malades pour auoir lieu d'estre en l'infirmerie, & manger de la chair.

Aduis aux Medecins de donner dispence de faire le Caresme à tous ceux qui la leur demanderont ; Et aduis à tout le monde de manger de la chair sans la demander.

Aduis aux Cordeliers & tous
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Moynes Mandiants, ou autres, de ne manquer iamais d'exciter à la fin de leurs Sermons, l'assistance à la charité.

Aduis aux gens riches & opulents de tenir tousiours bonne table, & de nourrir plutost des hommes que des chiens.

Aduis à Messieurs du Parlement de prendre le nom de Cenateurs, ou il est montré que les Romains n'ont triomphé que par le merite de ceux qui ont porté ce nom.

Aduis à ceux qui font des marchez, de n'oublier iamais le pot de vin.

Aduis aux gens de Confratrie, de n'oublier pas à faire festin apres la Messe.

Aduis aux Curez de se trouver tousiours aux Nopces & Baptesme.

Aduis à ceux à qui l'on presente quelque chose, de ne choisir iamais de peur d'estre obligez par ciuilité de


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prendre le pire.

Aduis aux Capucins & autres Moynes, horsmis les Chartreux, de disner hors de leur Conuent le plus souuent qu'ils pourront, pource qu'aussi bien que les vielleurs, ils ne trouuent point de pire maison que la leur.

Aduis aux traitteurs de mettre Dindons pour faisans, & petits Cochons pour Agneaux, pource que chacun y fera son proffit. Le traitteur pour ce qu'il luy en coustera moins, & le traitté pource qu'il en aura plus à manger.

Aduis aux Laquais de changer souuent les assiettes des niais qui se les laissent emporter par ciuilité; Et sur tout de bien prendre leur temps que leur assiette soit bien chargée.


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P R O B L E M E S.

De Monsieur de Mormon.

On Demande.

S'il faut prendre Medecine, ou non?

Ouy. Pource que c'est aualler.

Non. Pource qu'elle vuide l'estomac.

S'il faut curer ses dents, ou non?

Ouy. Pour les empescher de pourir.

Non. Pource que c'est s'oster quelque chose de la bouche.

S'il faut mascher, ou non?

Ouy. Pource que c'est ioüir plus


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long-temps du plaisir de manger.

Non. Pource que c'est tousiours perdre quelques autres morceaux qu'on mangeroit bien cependant.

S'il faut se marier, ou non.

Ouy. Pource qu'on fait festin.

Non. Pource que c'est prendre vne femme qui mange tout le reste de sa vie la moitié du disner.

S'il vaut mieux auoir vne langue, que de n'en auoir poins ?

Ouy. Parce que la langue sert à demander à boire, & à manger.

Non. Pource qu'elle emplit la bouche, & fait perdre le temps à parler à table.

S'il faut faire des sauces, ou non ?

Ouy. Pource que cela donne bon


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goust aux viandes.

Non. Pource que cela ne sert qu'à faire manger aux autres, ce qu'on mangeroit bien sans sauce.

Lequel vaut mieux de dancer, ou de chanter?

Il vaut mieux manger.

Lequel vaut mieux de disner ou de souper?

Ny l'vn, ny l'autre, car il ne faut faire qu'vn repas, mais qui dure tout le long du iour.

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A P O P H T E G M E S.

de Monsieur de Mormon.

Il disoit qu'vn oeuf valoit mieux qu'vne prune: vne griue, que tous


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deux: vn pigeon, que tous trois: vn poulet, que tous quatre: vn chapon, que tous cinq, & ainsi à proportion.

Vn iour qu'il auoit bien soif, & qu'on ne trouua point d'autre vaisseau pour luy donner à boire qu'vn seau plein de vin, il le tira tout d'vne haleine, Et negauit se vnquam iucundius bibisse, Faisant allusion à ce Roy qui dit la mesme chose, contraint de boire dans le creux de sa main, faute d'autre vase.

Comme on parloit vn iour d'vne grande mortalité ; Tant mieux, s'escria-t'il, plus de morts, moins de mangeurs ; ne reconnoissant point d'autres ennemis.

Allant vn iour disner chez vn Evesque; Pastoris est pascere; luy dit-il. Monseigneur, ie viens disner auec vous.

A vn qui luy disoit vn iour qu'il auoit les yeux plus grands que la pance; Non pas, respondit-il, quand


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i'en aurois cent.

Il disoit que Pasques & Noël sont les deux meilleurs iours de l'année. Pasques à cause qu'il est le plus esloigné du Caresme, & Noël pour ce qu'on y déieusne dés Minuict.

Il disoit qu'il est de la Majesté d'vn Roy de disner à toutes ses tables.

Il comparoit les Courtisans aux plats qu'vn Maistre d'Hostel met sur la table, dont les vns sont tantost les premiers, & tantost les derniers, & puis sont tous confondus, quand on vient à lauer les escuelles.

Il appelloit les rots des Propos de table.

A vn qui luy reprochoit qu'il mangeoit autant que deux, il respondit que c'estoit à Sparte la marque des Roys.

A vn qui luy demanda ce qu'il falloit faire pour se bien porter. Trois choses, respondit-il; Bien


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manger, bien manger, & encore bien manger.

A vn qui luy dit vn iour en mangeant du potage, qu'il se brusloit, il repartit; Ouy, mais ie mange.

Vne fois qu'on luy reprochoit qu'il n'auoit pas dit Benedicite. I'ay tort, respondit-il, il le faut dire; & la dessus il fit rapporter toutes les viandes pour recommencer à disner.

Comme on luy disoit vne fois qu'il se falloit tenir à table sans se remuer, & sans prendre autre chose que ce qui est deuant soy; Il respondit que si les Espagnols n'eussent iamais voyagé, ils n'auroient pas gagné l'or des Indes.

Il disoit que pour faire que les iours d'Hyuer fussent aussy grands que ceux d'Esté, il ne faut que ieusner iusqu'au soir.


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Comme on luy demandoit pourquoy il cherchoit ainsi les festins, il repartit que c'estoit parce que les festins ne le cherchoient pas; Et il adiousta que nos peres auoient appellé leurs festins du mot latin Festinare, pour montrer qu'il se faut tousiours haster d'y aller.

Vn iour que son Confesseur luy remonstroit que les Saincts auoient bien eu de la peine à aller en Paradis en ieusnant; Ie croy bien, dit-il, il y a bien loing pour y aller sans manger.

Vne autrefois qu'il estoit bien malade, & qu'on pensoit qu'il d'eust mourir; Comme on luy faisoit reprimande sur ce qu'il buuoit trop pour vn homme qui denoit*[=deuoit] bientost aller en l'autre monde, il respondit, Que c'estoit pour faire jambes de vin.


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C'estoit tout ce qui estoit dans le papier que l'Historien auoit donné à Louuot; & il ne l'eut pas plûtost acheué de lire qu'il vit entrer dans sa chambre le Poëte de la Greue. Il eust péine à le reconnoistre d'abord, pource qu'il auoit vn manteau doublé de pane, & de meschants canons de treillis dans ses bottes, au lieu qu'à la Greue il ne luy auoit veu qu'vn meschant manteau tout simple, & qu'il estoit botté à cru. Il le reconnut neantmoins à vne reuerence Poëtique entre autres marques, & à ce beau compliment qu'il luy fit à la mode de ceux de sa profession qui parlent d'autant plus mal qu'ils ont pris plus de peine à se preparer, & à dire quelque chose en termes extraordinaires. Si le vaillant fils de Thetis n'auoit eu le Poëte Aveugle pour Encomiaste de ses loüanges; Et si la veine du doux Maron n'auoit transmis aux siecles à-


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venir la pieté de celuy qui sauua son pere sur ses espaules; La Deesse a cent bouches
N'auroit porté par l'Vniuers
Sur l'aile de mille Vers
Leur nom, leur pays & leur gloire,
Et ces grands hommes du temps passé, ne seroient pas plus celebres que ceux de l'age futur que verront nos neueux. C'est ce qui a fait esperer à nostre veine, ayant eu principalement l'honneur de se faire tantost connoistre à vous, que vous baniriez loing de vous tout desdain, en receuant celuy qui vous peut faire brauer le tranchant de la faux de Saturne; Et qu'à son abord, de tous les caracteres des passions de Monsiéur de la Chambre, on n'en verroit point d'autres briller sur vôtre visage que ceux de la ioye. Ces paroles furent suiuies d'une seconde reuerence plus Poëtique encore, s'il faue*[=faut] ainsi dire, que la premiere; & d'vne


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feüille de papier qu'il luy presenta. Elle contenoit ce

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SONNET

Vous par qui Nason excité
Vint à bout des Metamorphoses,
Filles de la Diuinité
Qui fait ressouuenir des choses,
Cheres Muses par charité
Faites moy prendre quelques doses
De la liqueur dont agité
L'esprit ne fait qu'Apotheoses.
Ie veux exempter du tombeau
Vn nom plus illustre, & plus beau
Que les Iules, ny les Mecenes.
Ca donc d'vn stile audacieux
Chastes Nymphes, mes souueraines,
Guindons-le iusques dans les Cieux.

Le Poëte accompagna ce Sonet d'vn second compliment qui n'estoit pas tout à fait si mauuais que le

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premier, à cause qu'il n'auoit pas tant pris de peine à le preparer. Son discours contenoit en somme, que quoy que ce fust la le premier iour qu'il auoit eu l'honneur de le voir, il y auoit neantmoins fort longtemps qu'il souhaittoit le bien d'estre connu de luy; Et qu'en ayant trouué vne occasion si fauorable, il n'auoit eu garde de manquer à luy tesmoigner selon son petit pouuoir, l'estime qu'il faisoit de sa vertu. Louuot qui estoit homme d'esprit ne manqua pas de respondre à ce beau compliment, & de remercier son Poëte comme on doit faire tous ceux de cette estoffe, par plusieurs offres de service en general, & rien plus. Le Poëte eut beau faire tomber le discours sur la misere du temps; & exagerer la calamité du siecle où les gens d'esprit sont si peu considerez; Dire que pour luy il auoit tousiours trouué beaucoup plus de support dans les personnes de


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mediocre fortune, que dans les gens de cour, ou les Ministres: Louuot eut tousiours le poignard de mesme; De sorte que nostre pauure escroc fut enfin contraint de franchir le pas, & de luy dire tout net; Qu'il ne feindroit point de luy aduoüer, apres auoir reconnu tant de bonté en luy, que la Nature luy ayant esté fort peu liberale des biens de la Fortune, il estoit contraint de recourir souuent aux honestes gens pour subuenir aux necessitez de la vie. Le coeur de Louuot qui n'auoit peu estre surpris par finesse, ne fut pas capable de resister à l'ingenuité de ce pauure malheureux. Il tira donc deux pistoles de sa pochette dont il luy fit present, & le pria mesme à souper, mais l'autre l'en remercia. Il le reconduisoit à la porte, lors qu'vn troisiesme le surprit sur leurs complimens. Quoy? Monsieur Louuot, leur dit-il, à donc aussi le bien d'estre connu de Monsieur


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Desjardins? c'estoit le nom du Poëte. Sans doute que ce papier que vous tenez est quelqu'vn de ses beaux ouurages: Donnez-nous-en la lecture, & ie vous promets en recompense, continua-t'il, en tirant vn autre papier de sa pochette, de vous bien payer vostre peine. Iamais le pauure Desjardins n'eut plus de soucy que cette fois; parce qu'ayant esté chez celuy-cy vn quart d'heure auant que d'arriuer chez Louuot, il luy auoit fait present du mesme sonnet, qu'il venoit de donner à l'autre. Tout ce qu'il pût donc faire ce fut d'esquiuer le coup par la fuite, en coupant le discours & leur disant brusquement Adieu. Mais il ne fut pas plustost party que sa fourbe fut descouuerte par la confrontation des deux papiers. Ils admirerent quelque temps l'impudence, ou l'industrie Poëtique; Puis Louuot prenant la parole; Il faut aduoüer, dit-il, que i'ay passé


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vne des plus agreables iournées de ma vie, & que ie me puis vanter d'auoir veu auiourd'huy trois ou quatre originaux, ou personnages aussi rares en leur espece qu'il y en ait dans tout le reste de la terre. L'autre le pria de luy faire part de ses auantures, ce qu'il fit par ces paroles.

H I S T O I R E
du Pointu.

Premierement, i'ay esté disner ce matin chez Dipnomede, où i'ay trouué la plus extraordinaire forme ou matiere d'homme qui soit au monde. Figurez-vous vn Herisson, vne chastaigne qui n'est pas encore escossée; vn Porc-Epic qui décoche en mesme instant vne legion d'alaisnes, & vous aurez le portrait au naturel de l'esprit du personnage dont ie vous parle. C'est vn


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homme dont la bouche ne lasche pas vne seule parole qui ne soit vne pointe. Il n'y a pas vne syllabe dans toute la langue Françoise sur laquelle il nequiuoque.
D'abord comme on nous a donné à lauer, Messieurs, nous a-t'il dit, si Monsieur Dipnomede ne vous traitte pas auec sa magnificence ordinaire, ie vous puis bien asseurer qu'il n'en peut mais, car le voylà qui s'en laue les mains. Cette nouuelle façon de faire les ciuilitez d'autruy a fort estonné Dipnomede qui comme vous sçauez quoy[que] tres honneste homme, n'a pas vn esprit des plus rafinez; & qui ne sçait pas qu'où il y va d'vne pointe, il n'y a rien que cette sorte de gens ne disent, fust-ce de leur propre pere. Il ne s'est donc peu abstenir de rougir vn peu: mais cela n'a pas empesché que le prenant par la main, & le conduisant du costé du feu, il ne l'ait prié


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tres-ciuilement de s'asseoir. Le Pointu n'auoit garde de le quitter à si bon marché. Quoy, Monsieur, luy a-t'il dit, me prenez-vous pour vne personne qui manque de feu? Puis voyant qu'on luy presentoit vn placet pour s'asseoir: Il n'y a pas tant de peine à me flechir pour me faire manger, a-t'il continué, qu'il soit besoin de me presenter vn placet: Mais ie suis pourtant bien aise qu'on me traitte en Conseiller & President. Dipnomede, qui comme ie vous ay dit, n'est pas fort accoustumé à cette sorte de stile a creu entendant ses paroles qu'il s'estoit piqué de n'auoir qu'vn si petit siege. Hola ho! s'est-il escrié, qu'on apporte vn fauteuil à Monsieur; Puis se tournant vers luy; Monsieur, a-t'il adjousté, ie vous prie d'excuser la sottise de mes gens, vous sçauez ce que c'est que de valets: C'est vn grand cas que n'en ayant point


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changé depuis si long-temps, ils sont encore aussi neufs qu'au premier iour. Tant mieux, luy a respondu le Pointu, ils vous en dureront plus long-temps. Comme il disoit cecy Dipnomede luy presentoit vne chaire à bras qu'il venoit de prendre de la main de son Maistre d'Hostel: Mais nostre homme continuant tousiours dans sa belle humeur: I'ay assez de deux bras pour manger a-t'il dit, sans en auoir quatre. Cependant l'Aumosnier disoit le Benedicite, & le Pointu luy voyant faire le signe de la Croix; Vous nous voulez donc congedier puisque vous nous donnez la Benediction, s'est-il escrié. Sur ces entre-faites nous nous sommes tous trouuez assis, & luy aussi bien que les autres, comme aussi le pauure Dipnomede qui estoit tout descontenancé. Mais il luy en a encore fallu bien aualler d'autres. Vous


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sçauez l'ordre & la regularité qu'il fait observer à seruir les viandes sur sa table, & que se souuenant peut-estre de la pensée de Paul Emile, [si] ie ne me trompe, & de plusieurs autres qui ont comparé la charge de bon Cuisinier à celle d'excellent Capitaine, il prend tous les iours plus de peine à ordonner de la disposition de ses plats, qu'il n'en faudroit pour ranger en bataille vne armée de cinquante mille hommes. Cela estant, ie vous laisse à penser si on luy peut faire de plus grand desplaisir que de troubler sa symetrie. La premiere chose neanmoins qu'à faite nostre diseur de pointes, ça esté de changer vn plat qui estoit deuant luy, pour vne bisque, auec ces parolles; Ie prens ma bisque. Ie ne sçay si i'ay eu plus enuie de rire de cette plaisante pensée, que de la plaisante grimace de Dipnomede, qui ne voyoit pas changer l'ordre


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de ses plats auec moins de regret que s'il eust veu renuerser celuy du monde; Et ie vis l'heure qu'il estoit prest d'intenter action contre luy, pour le faire declarer perturbateur du repos public.
I'oubliois à vous raporter que comme on seruoit les viandes, vn peu auant que nous nous missions à table, ie luy auois dit voyant passer vn potage; Voyla vn potage qui a bonne mine; & qu'il s'estoit mis au mesme instant à faire vne capriole à laquelle ie n'auois pas pris garde autrement, & que ie n'auois attribuée qu'à vn pur emportement de desbauche: Mais ie fus bien estonné lors qu'il me dit vn quart-d'heure apres, ne se pouuant resoudre à perdre vne miserable pensée; I'ay sujet de me plaindre de vous, de m'auoir tantost fait sauter par vne mine. Ie fus long-temps sans pouuoir comprendre ce qu'il vouloit


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dire, mais il me l'expliqua enfin par vn long commentaire qu'il me fit.
La dessus vn valet est venu pour changer les assiettes. Non, non, luy a dit nostre Pointu en l'empeschant de luy oster la sienne, ie ne change point d'assiette puis que ie ne bouge de table; puis il la luy a donnée, quand il a eu prononcé sa pensée, & qu'elle ne luy à plus esté necessaire pour faire sa pointe. Vn autre valet est encore suruenu qui luy a presenté du vin. Il a dit qu'il rougissoit de n'estre pas assez bon pour luy; Et sur ce qu'il l'a beu tout pur & sans eau, il a adjousté qu'il falloit qu'il ne fust guere bon, puisque l'eau ne luy en estoit pas venuë à la bouche. Alors Dipnomede luy a presenté vn morceau d'vne tourte, faite de moüelle. A Dieu ne plaise, luy a-t'il dit, que ie vous succe iusques à la moüelle. Dipnomede ne l'entendant pas selon sa coustume


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luy a dit que s'il n'aimoit pas cette sorte de tourtes, il luy en alloit faire manger d'vne autre faite d'amandes, que sans doute il ne trouueroit pas mauuaise: Mais il a esté bien estonné que nostre homme luy à reparti d'vn visage serieux; Qu'il s'estonnoit fort qu'ils le menassoient de les mettre à l'amende.
A mesme temps il s'est mis sans autre propos à nous faire vne description de sa maistresse la plus plaisante du monde. Il nous a dit que son teint n'est que de roses, & qu'elle s'appelle l'Espine, ce qui prouient asseure-t'il, de quelque fatalité du Ciel qui ne veut pas qu'on puisse trouuer de roses sans espines. Il a adjousté que ses cheueux la font cheuir des volontez de tout le monde; Que son front est la place d'armes de l'amour; ses sourcils les arcs dont ce petit Dieu se sert pour decocher ses traits; ses yeux le carquois


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d'où il les prend; Que ce qui l'estonne, c'est comme quoy tant de feu qui en sort ne fond point la neige de son teint, & ne fane point les roses de ses joües; Que son nez n'est rien qu'vn parasol que la nature a prudemment mis au dessus de ses levres pour les garantir des Soleils de ses yeux; Qu'il est bien vray qu'elle à la bouche vn peu grande: Mais qu'il ne s'en faut pas estonner, ses deux oreilles l'attirant chacune à soy pour mieux entendre les beaux discours qui en partent incessamment; & qu'enfin il ne trouue qu'vn seul deffaut en elle, qui est d'auoir le menton trop rond & potelé, pource qu'il l'empesche de finir sa description par une poïnte.
Comme il acheuoit cette plaisante image de sa Maistresse, il s'est trouué que par hazard, & faute de meilleure contenance, il hachoit en petits morçeaux vne piece de


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boeuf qui estoit deuant luy. On luy a demandé ce qu'il vouloit faire; il a respondu que c'estoit pour couper court. Là dessus Dipnomede qui met tout son esprit dans ses plats comme assez grossier & materiel, dit le Pointu, pour estre seruy auec le boeuf & le mouton; se faschant de voir la ciuilité de table si mal traittée s'est aduisé mal à propos de luy demander s'il faisoit cela pour luy faire piece: Mais le Pointu luy a respondu sans s'émouuoir, N'enny da, c'est pour la deffaire. Il ne faut pas demander s'il a esté ri de cette plaisante response. Leur querelle s'est donc euaporée en raillerie, & Dipnomede luy a presenté deux belles oranges en signe de reconciliation. Toutesfois nostre homme n'auoit garde de se tenir en si beau chemin, dans vne si belle occasion de passer outre. Par Dieu, a-t'il dit, comme s'il eust esté bien fort en colere, vous


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nous en donnez des plus vertes. Elles sont assez belles ce me semble, a repliqué Dipnomede; Et bien, a-t'il repris, vous nous en donnez de belles. Puis prenant garde qu'on auoit apporté le rosty sur la table, vrayment, a-t'il continué, vous nous accommodez tout de rosty.
Ie n'aurois iamais fait si ie voulois vous rapporter toutes les autres pointes dont il a continué de larder les viandes pendant tout le reste du repas; Comme par exemple, ce qu'il a dit quand on a apporté le dessert; Que ce n'estoit pas seruir, mais desseruir. Ce qu'il auoit prononcé encore auparauant, en passant le bras par dessus vne espaule de mouton, pour me donner vn morceau d'agneau; Qu'il m'en donnoit par dessus l'espaule; Et ce qu'il a adjousté en se leuant de table, faisant allusion aux quatre seruices dont nous auons esté traittez, qu'il n'oublieroit ia-
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mais ces quatre bons seruices. Il me faudroit trois fois autant de temps, pour me souuenir de toutes ces choses, qu'il en a mis à les imaginer; outre que ie n'ay pas la memoire si bonne qu'vn Escuyer de Heros de Roman, pour me souuenir si ponctuellement des moindres paroles.
Nous ne sommes pas plustost sortis de table, que le complimentant sur son bel esprit qui luy fait tant trouuer de rares pointes; Il ne faut pas s'estonner s'il est aigu, auiourd'huy m'a-t'il respondu, il peut bien s'estre esguisé sur les grets du chemin en venant du Fau-bourg S. Germain icy. Ie luy ay riposté du mieux qu'il m'a esté possible, c'est à dire à la mode des Parthes.
Nous estans donc meslez auec les autres, on est venu à parler d'vne certaine execution qui se deuoit faire l'apresdinée en Greve sur les trois heures. Il nous a respondu qu'il n'en


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croyoit rien, & sur ce qu'on a reparty que c'estoit le bruit commun, il a repliqué Que c'estoit iustement pource qu'il estoit commun qu'il n'en faisoit point d'estat. Il n'a pourtant guere gardé ce sentiment, & vne pointe qui luy est suruenuë à la trauerse l'a bien-tost fait changer de notte, pour nous dire d'vn visage serieux, qu'il estoit vray qu'on alloit faire iustice d'vn homme atteint & conuaincu de plusieurs crimes, & qu'il estoit obligé pour plusieurs raisons d'y assister, ne fuste*[=fust-ce] qu'à cause qu'il est homme d'execution. Là dessus il a demandé quelle heure il estoit, & a pris congé de nous, laissant toute la compagnie en fort grande admiration, comment son pauure esprit peut resister à tant de diuers tours d'estrapade, qu'il luy donne à tous momens.
L'amy de Louuot l'a interrompu en ce lieu de sa narration, croyant


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qu'elle fust finie, pour luy tesmoigner le plaisir qu'il y auoit pris: Mais l'autre reprenant son discours; Nous n'en sommes pas encore au bout, luy a-t'il dit, & le diuertissement qu'à fourny le Pointu à la compagnie n'a pas finy auec sa presence. Il n'a pas plustost esté sorty qu'ayant tesmoigné quelque curiosité d'apprendre quelque chose de sa vie, vn de ceux qui a disné auec nous m'a satisfait en ces termes.
Il n'y a guere de personne qui vous puisse mieux rendre conte de ce que vous desirez que moy, tant pour ce que ie le connoys de longue main, qu'à cause que cette Mademoiselle Lespine dont il vous a tantost fait vne si plaisante description estant ma soeur, i'ay esté informé par son moyen de mille plaisantes particularitez de ses amours.
Ie vous diray donc d'abord qu'il s'appelle de la Herissoniere, qu'il est


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de fort bonne naissance, Gentilhomme d'extraction, & des plus riches maisons du pays du Mayne. Son pere l'enuoya dés son ieune âge pour faire ses Estudes au College des Iesuistes, où il profita si bien qu'il y apprit comme vous voyez, à ne proferer pas vne seule parole qui ne soit vne Epigrame.
A la sortie des Estudes il s'aduisa de prendre l'espée, à cause ie m'imagine de l'affection qu'il auoit naturellement pour tout ce qui est aigu; Et ce fut aussi ie pense pourquoy il deuint amoureux de ma soeur, pource que


26/02/2009
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