Mère Céleste & archéologie : Asérah parèdre de Dieu ou lieu sacré païen?

Commission archéologie du Livre de Mormon

 

DES TRACES DE LA MERE CELESTE REVELEE PAR L'ARCHEOLOGIE ?

 

- Asérah parèdre de Dieu ou lieu sacré païen ? -

 

Asherah vue d'artiste

 

Les archéologues ont retrouvés en Terre Sainte, des traces d'une parèdre du Seigneur, mentionnées sur de nombreux documents anciens. Il s'agit de la déesse « Ashérah » qui dans les textes bibliques traditionnels est pourtant condamnée comme un culte idolâtre. Mais l'histoire nous offre un autre contexte, une alternative à ce jugement sévère, du à des scribes qui voulaient raffermir l'idéologie royale et religieuse du Royaume de Juda. Nous portons point de jugement sur cela, et nous laissons au lecteur le soin de se faire une opinion. Ce culte d'ashérah, comme parèdre d'Adonaï, peut être aussi la déformation d'une autre manière de prier la Mère Céleste. Mais l'auteur du texte est également animé d'un scepticisme prudent, dans l'existence réelle de cette parèdre. L'un des arguments étant l'absence actuelle d'une onomastique présentant « Ashérah » comme théonyme. Voici ouvert ce passionnant dossier.

 

 

Nous choisissons de citer les travaux du professeur André Lemaire, à ce propos, publié dans l'excellent ouvrage « Naissance du monothéisme – Point de vue d'un historien » aux Ed. Bayard Presse – 2003.

 

Page 74 :

 

A Ougarit même, depuis 1929, les fouilles ont mis au jour près de 2000 tablettes écrites dans une écriture cunéiforme alphabétique datant généralement du XIIIe s. av. J.C. et utilisée jusqu'à la destruction de la ville vers – 1185. Le nom de la déesse Athirat apparaît 74 fois  dans ces textes ougaritiques, dont 55 fois dans des mythes ou légendes, 17 fois dans des rituels, une fois dans la correspondance et une fois dans un fragment difficile à classer. La fonction de cette divinité ressort des expressions où elle apparaît : elle est « la Dame Athirat ce la mer (rbt.atrt.ym) », et a un sanctuaire à Tyr (qds.atrt.srm) ; elle est « créatrice/génétrice des dieux (qnyt.ilm) » et ceux-ci sont ses fils. Bien qu'elle ne soit jamais appelée l'épouse du grand dieu Ilu/El, les commentateurs unanimes la reconnaissent comme sa parèdre, assumant le rôle de la reine-mère qui place ses fils sur le trône.

 

Asherah retrouvée dans les fouilles en Israël

 

Assez paradoxalement, la divinité Athirat/Ashérah semble disparaître de l'horizon nord-ouest sémitique du 1er millénaire avant notre ère, au moins en araméen et en phénicien. En effet, en phénicien 'srt est simplement un nom commun désignant un « sanctuaire », signification que l'on retrouve aussi en araméen. Dans ces deux domaines, la déesse Athirat n'est plus mentionnée, ni comme nom divin séparé, ni comme élément de l'onomastique. La mise au jour d'une inscription sur jarre l' srt dans le contexte d'un sanctuaire, à Tel Miqnéh/Eqrôn, avait fait penser un moment au fouilleur qu'il pouvait s'agir d'une référence à la divinité Ashérah, mais cette inscription philistine s'explique mieux par le rapprochement avec le phénicien et indique simplement que cette jarre appartient « au sanctuaire ».

 

 Arbre sacré ou divinité réelle, le débat n'est pas tranché

 

En fait, la déesse Athirat/Ashérah n'apparaît encore au 1er millénaire avant notre ère qu'en épigraphie sud-arabique. De manière plus précise, « le culte d'Athirat en Arabie du Sud préislamique semble caractéristique du royaume de Qatabân, où elle avait un sanctuaire important dans le wâdi Harîd.  Il est attesté de manière plus sporadique sur le site d'as-Sawdâ. A Qatabân, on lui dédiait principalement un objet dénommé bht ; si ce terme désignait véritablement un « phallus votif », comme on l'a proposé, on aurait là un indice probant qu'il s'agissait d'un culte de la fertilité, mais cette traduction reste hypothétique. »

 

C'est dans ce contexte du processus de « disparition » de la déesse Athirat/Ashérah au 1er millénaire avant notre ère qu'il faut comprendre le problème posé par le terme ashérah en épigraphie paléohébraïque et dans la Bible.

 

Le terme ashérah est mentionné dans une inscription paléohébraïque du milieu du VIIIe s. av. J.C. provenant d'une tombe de Khirbet el-Qôm, à une quinzaine kilomètres à l'ouest d'Hébron, correspondant probablement au site biblique de Maqqédah. Elle est très difficile à lire car elle a été incisée deux fois, la deuxième incision ne recouvrant qu'imparfaitement la première. Après la publication du fouilleur, W.G. Dever, nous avons proposé de corriger et d'améliorer sa première lecture en y reconnaissant une formule de bénédiction comportant le terme ashérah.

 

« Béni soit Uriyahou par YHWH et <par son ashérah>

 

….

 

D'autres inscriptions à l'encre, sur des pithoi  découvertes dans les fouilles de Kuntillet' Ajrud, datant de la première moitié du VIIIe s. av. J.C. dans le Sinaï, entre Qadesh-Barnéa et Elat, mentionnent des formules de bénédiction analogues :

 

« Je vous bénis par YHWH de Samarie et par son ashérah »

« Je vous bénis par YHWH de Teiman et par son ashérah »

« …par YHWH de Teiman et son ashérah »

et « t'a fait du bien YHWH de Tei[man et son ashérah]

 

Ces attestations ont souvent été interprétées comme une référence décisive à une divinité « Ashérah » qui aurait été la parèdre de YHWH. Cependant, si tel avait été le cas, on serait très étonné du fait que, sans parler de l'onomastique biblique, l'onomastique, relativement abondante, attestée en épigraphie paléohébraïque, ne comportât aucun nom de personne avec le théonyme «Ashérah », pas même à Khirbet el-Qôm, ni à Kuntillet 'Ajrud. De plus l'expression l'srth révèle que le mot ashérah y est construit avec le suffixe personnel de la troisième personne du singulier (-h), alors que, au moins jusqu'à maintenant, une telle construction n'est jamais attestée avec un nom propre en hébreu ancien, ni biblique, ni épigraphique. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux interpréter ashérah comme un nom commun ?

 

Lot de figurines votives représentant peut être Ashérah, découvertes en Israël

 

De fait, une tradition exégétique très ancienne, attestée par la traduction de la Septante, les Targoums araméens et l'exégèse rabbinique, en hébreu biblique, le nom commun ashérah désigne généralement l'arbre ou le bosquet sacré des sanctuaires traditionnels. Cette interprétation semble assez clairement correspondre à la plupart des attestations de l'ashérah dans la Bible Hébraïque. En effet, ce mot y désigne quelque chose qui est en bois (Deutéronome 16,21 ; Juges 6, 25-26), que l'on plante, que l'on arrache, que l'on coupe, que l'on abat, que l'on met en pièce ou que l'on brûle, mais qui, en général, se tient debout auprès de l'autel de YHWH (Deutéronome 16, 21-22). Dès lors l'association de l'ashérah à YHWH lui-même dans une formule de bénédiction s'explique probablement parce que cet arbre participait de la puissance sacrée de YHWH, spécialement de sa puissance numineuse de fertilté. Comme le montre divers parallèles en araméen d'empire, en hébreu, en nabatéen, et en grec du tournant de notre ère, un sanctuaire ou un objet de culte peuvent acquérir la puissance numineuse de la divinité au point d'être associés à la divinité elle-même et en voie de devenir éventuellement une nouvelle appellation divine, voire une nouvelle divinité.

 

Autre représentation supposée d'Ashérah

 

Cette interprétation d'un nom commun désignant l'arbre sacré vaut assez clairement pour la plupart des textes bibliques mentionnant l'ashérah des sanctuaires yahwistes traditionnels directement mis en cause lors des réformes deutéronomistes des rois Ezékias et Josias (Deutéronome 16, 21-22 ; infra). Cependant, dans quelques passages bibliques, l'ashérah a été parfois interprétée comme une divinité plus ou moins parèdre de Baal (et non de YHWH !). Ainsi, Juges 3,7 mentionne-t-il les deux termes (ashérah et baal) côte à côte, tandis que 1 Rois 18,19 mentionne « quatre cents prophètes de l'ashérah ». L'emploi du mot avec l'article pour ce dernier cas et la forme plurielle pour le premier montrent qu'il s'agit probablement, dans deux cas, d'un nom commun. De plus, ces passages sont visiblement tardifs : pour mieux rejeter l'ashérah, les rédacteurs récents de la tradition deutéronomiste l'assimilent au culte païen de Baal. Par ailleurs, le texte de 2 Rois 21,7, associant ashérah et pésel, « image sculptée », pourrait simplement renvoyer à une représentation figurée d'un arbre sacré, motif iconographique bien connu dans le Proche-Orient ancien. Quant à 2 Rois 23,7 faisant mention de « femmes tissant des bâtim pour l'ashérah », il pourrait s'agir de pièces de lin de couleur qu'on plaçait dans l'arbre sacré suivant une coutume encore attestée en Palestine au XIXe s. Finalement, si l'on tient compte du contexte polémique de certaines mentions de l'ashérah dans la Bible, que les textes récents ont tendance à assimiler à un culte idolâtrique, aucun texte biblique ne mentionne clairement de divinité appelée « Ashérah ».

 

 

 

Si, à ce jour, aucun texte hébreu, ni épigraphique, ni biblique, ne mentionne clairement de déesse « Ashérah », certains archéologues n'en ont pas moins proposé de reconnaître sa représentation dans divers objets ou motifs iconographiques. On a, en particulier, proposé d'identifier l'arbre sacré comme étant le symbole de la déesse « Ashérah », tandis que les nombreuses figurines en argile trouvées dans les niveaux du Fer II ont été interprétées récemment par R. Kletter, après bien d'autres, comme étant aussi des représentations de la déesse « Ashérah » qui aurait été ainsi omniprésente dans la culture matérielle des VIIIe-VIIe s. du royaume judéen.

 

Cependant cette dernière étude elle-même révèle que l'interprétation de ces figurines comme des divinités est loin d'être assurée, car elles ne présentent aucun des traits caractéristiques d'une divinité et pourraient n'avoir été que des jouets ou des représentations de femmes. De fait, tout en reconnaissant que l'explication faisant des figurines une représentation de la déesse « Ashérah » est la plus populaire aujourd'hui, R. Kletter lui-même souligne que cette identification « n'est pas démontrée et ne devrait pas aller de soi ». En fait, le seul argument avancé en faveur de cette identification est sa prétendue « position dominante dans l'Ancien Testament » et dans les inscriptions de Khirbet el-Qôm et de Kuntillet-'Ajrud. Nous venons de voir ce qu'il en était à la suite d'un examen critique de ces textes replacés dans leur contexte. Pour résumer, cette identification n'a pas plus de fondement que l'appellation de ces figurines comme étant des « Astartés », elle aussi très populaire jusque dans les années 1980. Il en va de même pour l'identification de la représentation de l'arbre sacré ou de la déesse-arbre avec la déesse « Ashérah » qui repose sur une ambiguïté puisque son principal argument est que la déesse Ashérah aurait été la seule grande déesse survivant en Palestine au VIIe et VI e s. av. J.C. Or nous venons de voir que cette interprétation est peu vraisemblable. Finalement avec P. Merlo, on peut conclure qu'une étude critique des différentes propositions d'identification iconographique de la déesse Ashérah, attestée dans les textes ougaritiques et qui se serait perpétuée en Palestine  au 1er millénaire de notre ère, révèle que ces propositions restent totalement hypothétiques ou s'appuient sur des raisonnements circulaires. L'existence d'une iconographie de la déesse Ashérah au 1er millénaire nous échappe et on ne peut utiliser l'argument iconographique pour affirmer l'existence de cette déesse et son rôle éventuel de parèdre de YHWH en Israël et Juda à l'époque du Fer II.

 

Ainsi, l'examen détaillé du sens de l'expression « YHWH et son ashérah » et de la théorie de l'existence d'une déesse Ashérah, présentée comme une parèdre de YHWH au VIIIe s. av. J.C., aboutit à une conclusion négative. Cependant il a mis en lumière un autre problème bien réel : celui de la place de l'arbre sacré dans le culte israélite traditionnel et de son importance grandissante dans les formules de bénédiction. Cette constatation va nous aider à comprendre certains aspects de la réforme religieuse du roi de Juda Ezékias.

 

Sceau royal avec la signature du roi Ezékias. Curieusement, ce roi qui prône le retour à l'orthodoxie religieuse utilise dans son sceau le motif égyptien du scarabée (le célèbre Képrer). L'influence sur l'art de l'égypte étant importante, et vu le contexte religieux d'Israël, il est peu probable qu'il ait ici une signification religieuse ou encore moins une image de Dieu...étant donné que l'interdit de le réprésenter est observé au Royaume de Juda. Il a été probablement utilisé comme une simple décoration. Ezékias expulsera Asérath des croyances de l'ancien Israël.

 

 



16/03/2007
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