L'Art de la Sagesse et la Bible
Le roi Benjamin ordonne Mosiah à la prêtrise.
L'ART DE LA SAGESSE ET LA BIBLE
Le jugement du Roi Salomon
La sagesse est une réalité complexe et énigmatique, on peut dire qu'elle est fondamentalement l'art du discernement pour faire apparaître ce qui favorise la vie ou au contraire mène à la mort. Nous pouvons prendre une image expressive, et comparer le sage au pilote de son navire qui le dirige avec dextérité pour arriver à bon port malgré les tempêtes et les récifs. Le sage, pour vivre le mieux possible et éviter le maximum d'échecs, observe le réel qui l'entoure et essaye de discerner le vrai du faux, l'utile de l'inutile, la vie de la mort. De son expérience personnelle et de celle de ses prédécesseurs, il va tirer des leçons pour guider son comportement. A l'instar des autres groupes humains, Israël à sa sagesse, mais d'un point de vue théologique sa sagesse relève de la Révélation et non uniquement de la tache et du fruit de l'homme. Cette sagesse en lien avec la révélation, elle la partage avec le Christianisme.
Dans la Bible, il y a un pentateuque sapientiel qui est constitué par le livre de Job, Qoheleth (l'ancien Ecclésiaste), le Siracide ou Ben Sira, le livre de la Sagesse de Salomon et le livre des Proverbes. Cet ordre des livres a été retenu par la Septante œuvre de 70 sages réunis à Alexandrie. Ce canon sera retenu par les chrétiens fidèles de l'église de Rome et abandonné par les Juifs et les Chrétiens Réformés. Job, Proverbes et Qoheleth se trouvent dans le canon Juif et Protestant.
Si l'on compare le sage avec l'oracle prophétique on voit des différences : le prophète accuse, dénonce, propose une espérance. En revanche le sage conseille ; « fait penser à »,
« éventuellement », etc... Le sage propose mais n'impose pas. Si les prophètes ont une vie difficile, le sage à une vie tranquille. La Sagesse que l'on trouve dans la Bible est universelle, les sages auteurs d'aphorismes et de conseils sont anonymes dans la majorité des cas. Des non israélites sont également présents dans la sagesse du livre des Proverbes, représentés par Agour et Lemouel. Lemouel était roi de Massa par exemple.
Le sage tel qu'il apparaît dans ses écrits est préoccupé d'harmonie, d'ordre, de réussite. La réussite est le mot clé de toute la sagesse. Avec le temps le sage voit se voir proposer comme le meilleur des métiers dans l'ensemble de l'Orient ancien, Israël y compris. Le sage est sensible à la technique, au travail bien fait sans excès. Il est partisan de ces principes qui dit qu'une œuvre doit se faire dans la recherche de la perfection. En cela le sage de l'ancien Orient est proche des principes qui doivent guider le franc-maçon. Le vocabulaire sapientiel emploie le langage de l'artisanat. Il y a ici une relation entre sagesse et travail manuel au sens noble du terme.
Il y a un domaine dans lequel ce savoir faire de la sagesse éclate, c'est dans le domaine de la Création, autrement dit de la Nature, domaine anthropocentrique s'il en faut. La Création est le miroir du savoir faire, elle suscite contemplation et agrément. Une contemplation qui n'est pas toujours évidente, la nature est à double tranchant et peut-être particulièrement meurtrière.
Le vocabulaire sapientiel parle de l'artiste et de l'artisan et de son œuvre, pour parler de Dieu. Nous sommes proche du concept de Grand Architecte de l'Univers, hérité également de l'artisanat, c'est-à-dire des guildes compagnonniques. Si l'on perturbe l'ordre moral, l'ordre cosmique sera perturbé également, l'homme étant source de ce désordre. L'action de l'homme sur la nature à des conséquences directes sur la vie de l'homme, cela annonce dès l'Antiquité le concept moderne d'écologie. C'est ici une vision anthropocentrique, l'homme est le centre, le point de départ de cette réflexion qu'est la sagesse.
La finalité de la sagesse et de réussir sa vie, mais il y a des obstacles insurmontables et incompréhensibles, notamment ceux de la souffrance et de la mort. La souffrance pour le sage ancien est lié au problème de la rétribution. La souffrance apparaît pour ses hommes comme un dysfonctionnement de l'homme, la souffrance apparaît également comme un châtiment de l'homme. Dans le livre de Job, la souffrance est l'expression d'une sanction morale. La souffrance est liée au manque de sagesse, à un comportement irresponsable. Ce schéma montre un processus de rétribution assez mécanique. La souffrance conduit à la mort, sans possibilité de continuité pour l'homme. La mort étant perçue comme le point final de l'homme.
Plus difficile est le problème de la mort prématurée, la mort du bébé, du jeune homme de 20 ans, elle est considérée comme de nos jours comme étant injuste. Cette mort prématurée est une atteinte au droit de l'homme pour le sage, elle est un défi pour la sagesse.
Dans les livres de sagesse de la Bible, il faut bien différencier Sagesse et Révélation. La Révélation est un mot clé de la théologie pour désigner la manifestation particulière de Dieu dans l'histoire, à travers Israël, Jésus-Christ et Mahomet. C'est l'intervention salvifique ou punitive dans le cours des événements et la proclamation de la volonté de l'Eternel.
Nous constatons qu'aucune des théophanies ne se présentent comme une réponse à la quête de l'homme. L'initiation de la révélation vient de Dieu et lui seul. Alors qu'en sens inverse, la sagesse répond à l'initiative de l'homme, elle ne répond pas à un appel. L'articulation entre les deux à savoir sagesse et révélation, sera l'une des taches essentielle de l'Ecriture.
Il y a une intégration de la sagesse dans la perspective de la révélation en Genèse II,3 avec l'instauration d'un jour de repos hebdomadaire.
En Isaïe 31, 2 que je cite Lui aussi, pourtant, il est sage. Dieu est qualifié pour la première fois de sage. Conséquence de l'imbrication de la sagesse et de la pensée théologique.
Enfin il convient de mentionner l'alliance entre sagesse et pouvoir royal dans l'Antiquité du Moyen-Orient. La royauté a tenté de récupérer la sagesse qui est l'âme d'un groupe humain donné. Dans la littérature égyptienne, la sagesse est liée à la royauté de manière évidente, on peut dire la même chose des rois mésopotamiens. Voici l'extrait d'un texte de l'époque akkadienne où le roi reçoit tous les dons pour devenir un sage, je cite : Marduk, le plus sage des dieux, m'a fait cadeau d'un large entendement et d'une vaste intelligence ; Nabû, le scribe de l'univers, m'a fait présent de ses enseignements de sagesse ; ... j'ai appris l'art du sage Adapa, le mystère caché de tout l'art du scribe. Fin de citation. Ce passage ne peut être plus clair.
La titulature des rois de l'Orient ancien contient toujours un terme qui le dit « sage ». A plus forte raison en Israël, nous trouvons la preuve éclatante de cet état de fait, tant dans le royaume du Nord et du Sud. La royauté à pour structure de base l'idéologie royale qui se divise en 5 éléments précis.
1°) Le rapport à la divinité, le roi est nommé « fils de Dieu ».
2°) Le roi apparaît comme la piété incarnée, voir par exemple David.
3°) Le roi est le prêtre par excellence, c'est le souverain pontife
4°) Il est le guerrier n°1, responsable de la guerre et de la paix. Voir le terme en Isaïe 9 désignant le roi d'Israël sous le titre de « prince de la paix », titre qui sera donné également à Jésus.
5°) Il est responsable de la Justice et il est l'incarnation de son peuple, par exemple Pharaon est l'Egypte et l'Egypte est pharaon.
Dans ce cadre Salomon qui à une grande importance en maçonnerie devient l'incarnation du sage. Lors du songe de Salomon à Gabaon qui est un sanctuaire proche de Jérusalem., il ne demande pas la gloire à Dieu mais la sagesse. Et il rend aussitôt la justice avec sagesse lors du très célèbre jugement de Salomon. En Israël, David est un militaire, alors que Salomon est un sage. La sagesse est concentrée idéologiquement dans la personne royale.
De même, il y a identification entre la sagesse et la Loi, c'est-à-dire la Tora. Il y a l'affirmation de cette identification en Deutéronome IV, 6 : Si vous les mettez soigneusement en pratique, les autres nations qui auront connaissance de ces lois vous considéreront comme sages et intelligents ; on dira de vous : Quelle sagesse, quelle intelligence il y a dans cette grande nation ! ». Il y aura séparation par la suite entre monarchie et sagesse, l'échec de l'institution monarchique entraîne la coupure avec l'affirmation suivante : 1°) On peut très bien vivre sans roi. 2°) On ne peut pas vivre sans sagesse, sans un savoir faire pour vivre.
Après l'identification entre Sagesse et Loi, la sagesse recevra un corps institutionnel avec ses serviteurs, c'est-à-dire les scribes. Plus tard, dans le christianisme, la Sagesse ne sera plus identifiée avec la Loi, mais Jésus-Christ comme le dit le prologue de l'Evangile de Jean. Le Logos prend la place de la Loi dans la sagesse.
En conclusion la sagesse est confrontée à plusieurs défis. Premièrement celui de la nature, de l'écologie, de la Création. La conception de l'homme au centre de la création n'a heureusement plus cours, ce n'était pas une conception biblique, contrairement à ce que l'on peut croire. Le sommet de la création ce n'est pas l'homme, mais c'est le Shabbat si nous devons en croire Genèse 1. C'est le Shabbat qui est consacré, c'est le temps hors du temps ou Dieu et l'homme peuvent se rencontrer. Le Shabbat est l'horizon de l'homme pour la Bible. Donc de cette conception de l'homme maître de la Création, on est passé à un questionnement. On est passé du désir jouissif de la création à une attitude de respect. La nature n'est pas un objet avec lequel on s'amuse ou l'on fait ce l'on veut. L'homme est devenu partenaire de la création et de ce qu'elle contient. Ici la sagesse retrouve toute sa pertinence. Si la nature peut se passer de l'homme, l'homme peut difficilement se passer de la création. » Son attitude doit être l'humilité et ranger ces certitudes qu'elles quelles soient. La nature est l'un des domaines où la sagesse s'est prononcée. Le deuxième domaine qui pose un défi à la sagesse est celui de la connaissance.
La somme des connaissances accumulées ces dernières années est telle, qu'elle dépasse l'entendement. Plus personne ne peut prétendre à la connaissance absolue de toutes les activités humaines. On ne peut plus maîtriser les connaissances. La sagesse peut nous aider à y voir plus clair, en nous proposant des attitudes éthiques face à tels ou tels problèmes, comme ceux posés par la biologie par exemple.
Il ne faut pas aller chercher des recettes dans les écrits de sagesse dans la Bible, vous n'y trouverez rien concernant le clonage, les bébés éprouvettes, le maïs transgénique. En revanche vous pourrez ouvrir les livres du pentateuque sapientiel pour y trouver l'inspiration d'une attitude à avoir face à ces problèmes. Une attitude qui propose des réponses provisoires, mais réelles. Réponses qui seront susceptibles d'évoluer avec le temps, la sagesse s'adaptant à tous les siècles étant par nature intemporelle.