Le Vase et l'Emeraude

LE VASE ET L’EMERAUDE

 

Les Chevaliers d’Arthur représentent le Graal comme une coupe « taillée dans une émeraude ». La coupe est identifiée en même temps à la pierre sacrée. Le vase du Graal est taillé dans une pierre d’émeraude, dont il est dit qu’elle tomba du ciel, à l’aube du monde. Elle plongea, comme la foudre, dans le temps des hommes, et devint pierre mystérieuse, lourde, pesante, que personne ne peut déplacer.

 

La Cosmogonie du Graal raconte que cette pierre brillait sur la couronne de Lucifer – le plus beau des archanges- et qu’il la perdit dans sa chute. Isaïe le prophète révèle ce que fut Lucifer, avant sa chute… Il le nomme « astre du matin », « fils de l’aurore ».

 

Avant de descendre dans l’épaisseur du monde , l’archange Lucifer brille dans la haute lumière du Graal. Il est lux-fer, le porteur de lumière. Otto Rahn –chercheur passionné du Graal- en fera le soleil flamboyant de sa Quête. Il écrit, dans « la Cour de Lucifer » :

 

« Aussi je parcours les nations pour y chercher la connaissance, celle qui s’attache à une pierre tombée de la couronne de Lucifer… Quand je serai devant la pierre du Diable, quand je toucherai, quand je verrai que l’illuminent doucement les astres qui poursuivent inlassablement dans le ciel la route que Dieu leur a tracée, alors j’évoquerai le Graal, cette pierre tombée de la couronne de Lucifer et que Parsifal a conquise. Je ne manquerai pas de rappeler en moi, également, le souvenir de Lohengrin, le messager du Graal, que certains appellent  Hélias, « le porteur de lumière ».

 

Fatigué par sa Quête, doutant de la réalité surnaturelle du Graal, Parsifal va trouver l’hermite Trevrizent, dans la forêt. Il traverse ces moments d’obscurité spirituelle que saint Jean-de-la-Croix a parfaitement nommé « nuits de l’âme ». Alors dans l’ermitage, pendant que souffle le vent et que se déchaîne la tempête, Trevrizent enseigne à Parsifal la vraie nature du Graal. Il lui dit :

 

« C’est chose qui n’est bien connue : de vaillants chevaliers ont leur demeure au château de Montsalvage, où l’on garde le Graal. Ce sont des Templiers qui vont souvent chevaucher au loin, en quête d’aventures. Quelle que soit l’issue de leurs combats, gloire ou humiliation, ils l’acceptent d’un cœur serein, en expiation de leurs péchés. En ce château réside une troupe de fiers guerriers. Je veux vous dire quelle est leur subsistance : tout ce dont ils se nourrissent leur vient d’une pierre précieuse, qui en son essence est toute pureté. Si vous ne la connaissez pas, je vous en dirai le nom : on l’appelle lapis exillis. C’est par la vertu de cette pierre que le phénix se consume et devient cendres ; mais de ces cendres renaît la vie… Il n’est point d’hommes si malade qui, mis en présence de cette pierre, ne soit assuré d’échapper encore à la mort pendant toute la semaine qui suit le jour où il l’a vue. Qui la voit cesse de vieillir.

 

L’ermite Trevrizent observe Parsifal, à la lueur du feu de tourbe – et Trevrizent révèle :

 

« Il y avait des anges qui n’avaient pas voulu prendre parti quand commença la lutte de Lucifer et de la Trinité. Tous ces anges, nobles et bons, Dieu les a contraints à descendre sur terre pour garder cette pierre. Et la pierre n’a cessé d’être pure. Je ne sais si Dieu pardonna à ces anges, où s’il résolut leur perte. Il dut les rappeler à lui, si sa justice ne s’y opposait pas. Depuis lors la pierre est gardée par ceux que Dieu lui-même a désignés et à qui il a envoyé un de ses anges ». Voilà, seigneur, ce qu’est le Graal. »


Parsifal finira par atteindre le château du Graal, au terme d’une Quête mouvementée, faite à la fois d’angoisse et de ferveur, avec ses épreuves, ses pièges.

 

Le souvenir de telles histoires réveille en nous la nostalgie du paradis perdu, et nous souffrons – quelqu’un souffre en nous, pour un pays, une vision que nous n’avons vu qu’en rêve. Le Graal nous cherche. Il veut venir au monde. Il s’agite en nous. Travaille dans nos cellules, nous force à la transformation, à la mutation.

 

Cette sensation de nostalgie poignante correspond dans toutes les initiations, à l’appel, au réveil, à l’invitation à la Quête.

 

Nous ferions une erreur, si nous considérions les personnages de la Quête du Graal comme des êtres séparés avec un destin particulier. Ils se déplacent baignés dans la lumière du Graal. Ils ont les pieds dans le Flux Eternel. Ils sont les multiples facettes brillantes du Graal, et ils réfléchissent leurs propres actions à l’infini. Croire qu’Arthur est fondamentalement différent de Lancelot-du-Lac, de Merlin, de Guenièvre, de Klingsor ou de Parsifal, c’est un certain état de lumière, une substance d’être différente, comme il existe des variations dans la nature du spectre solaire, ou dans la gamme des sonorités, qui vont de l’infra rouge à l’ultra violet. Ce sont des stades, dans l’expérience totale, lumineuse et qui remplit tout. Des facettes, sur le formidable cristal.

 

Tous les personnages, les lieux, les événements de l’histoire sont liés, tenus par une unité souterraine, connaissent l’apesanteur, le dédoublement, la sortie du corps, ont accès à d’autres niveaux de réalité, débouchent les uns sur les autres, vivent des métamorphoses rapides. Les événements et les personnages qui se succèdent ne sont rien d’autre que les métamorphoses splendides du Graal. Ses variations. Son chant profond.

 

 

Source : La Quête du Graal, par Jean-Paul Bourre. Ed. Dervy 1993



21/03/2007
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