Voyage au Centre de la Terre par George Gamow - 1956
Un extrait du livre du physicien George Gamow sur la géophysique de la terre. Vous y découvrirez des éléments passionnants sur la structure interne de la Terre, mais aussi quelques contradictions intéressantes. VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE PLUS ON S'ENFONCE, PLUS IL FAIT CHAUD Et maintenant, revenons sur Terre : laissons de côté la beauté des paysages superficiels, et entreprenons un grand voyage vers le centre de notre Globe. Mais si en surface nos moyens de transport sont très confortables et si nous pouvons, avec le Professeur Piccard, nous lever jusqu'à l'extrême limite de la stratosphère, nos possibilités de voyage vers le bas sont très limites, les mines et les puits les plus modernes atteignent peine trois kilomètres de profondeur, soit moins du vingtième de un pour cent de la distance qui nous sépare du centre. Au-delà de cette limite, l'investigation directe est pour le moment absolument impossible. Mais rien que dans le domaine relativement petit des profondeurs accessibles, les recherches révèlent un fait extrêmement important : la température des roches augmente régulirement mesure qu'on s'enfonce plus avant sous la surface, la température est toujours assez élevée dans les mines profondes ; ainsi dans la Robinson Deep, en Afrique du Sud, la mine d'or la plus profonde du monde, les parois sont si chaudes qu'il a fallu dépenser un demi million de dollars pour le système de réfrigération, faute de quoi les mineurs auraient t grills vifs. On possède un très important ensemble de donnes relatives la distribution de la température du sous- sol ; on les a obtenues en effectuant des forages en plusieurs milliers de points de la surface du Globe. Les mesures ont montré que l’accroissement de la température avec la profondeur est un phénomène tout fait général, pratiquement indépendant de la situation géographique. Il y a toujours au voisinage de la surface, quelques perturbations dues la prédominance des conditions climatiques, et les roches situes une centaine de mètres au-dessous des steppes polaires sont un peu plus froides que celles qui se trouvent sous le Sahara. Des mesures faites au fond de puits sous-marins (près du rivage) indiquent aussi que la température des roches sous les océans est inférieure celle des roches qui se trouvent la même profondeur sous les continents. Mais toutes ces variations se limitent une couche relativement mince de la croûte terrestre, et dès qu'on atteint les grandes profondeurs, les surfaces d'égale température sont peu près parallèles la surface du globe. La figure lg montre les variations de température observées dans la partie accessible de la croûte terrestre ; on y voit que l’accroissement de la température est remarquablement constant, et voisin de 30C ° par kilomètre de profondeur. Comme la température la surface de la Terre est en moyenne 20°C les roches atteindront le -point d'ébullition de l'eau dès la profondeur de 2,5 km. Lorsque l’eau superficielle cheminant le long des fissures de la croûte terrestre atteint cette profondeur, elle se met à bouillir et est alors expulse par la pression de la vapeur en magnifiques geysers que connaissent si bien les visiteurs du Parc National de Yellowstone.
Si l'élévation de température s’effectue au même rythme pendant quelques dizaines de kilomètres encore au-dessous de la région explorée (et il n'y a pas de raison de supposer le contraire, c'est à environ 50 kilomètres de profondeur qu'on atteindra la température de fusion des roches (entre l 200 et 1800C). Il semble hors de doute que la lave en fusion qui s'échappe de tous les volcans de la Terre vient de cette profondeur, comme le montrent les mesures de la température de cette lave à l'intérieur des cratères ; elles donnent toujours une valeur voisine de l 200 °C, correspondant à une profondeur d'une cinquantaine de kilomètres.
Bien longtemps avant la création de la science géophysique, les éruptions volcaniques ont conduit les anciens à l'hypothèse d'un “ Enfer ” situé quelque part sous leurs pieds ; ces éruptions sont pour nous la meilleure preuve de la minceur de la croûte solide sur laquelle repose toute notre vie.
DES SOLIDES QUI COULENT ET DES LIQUIDES QUI CASSENT II semble donc certain à première vue qu' à quelque 50 kilomètres au-dessous de nous, les roches qui forment notre globe sont complètement fondues et ont toutes les propriétés des fluides. On est alors quelque peu étonné d'apprendre qu'une autre série d'observations mène à conclure que la substance dont la Terre est faite possède toutes les propriétés d'un solide élastique, et cela au moins jusqu' une profondeur de 3 000 kilomètres, soit la moitié de la distance au centre. Nous verrons au cours de ce chapitre que les déformations provoquées par les marées lunaires et la propagation des tremblements de terre nous incitent penser que la substance terrestre est presque aussi élastique qu'un bon ressort d'acier. Cette contradiction est-elle réellement insoluble, ou bien peut-on réconcilier d'une manière quelconque ces deux conclusions qui semblent diamétralement opposées ? La matière peut-elle être la fois fluide et élastique ? Personne ne penserait, même en rêve, à fabriquer un ressort de montre en eau, ni à verser une barre de fer comme une boisson ; et pourtant, quelque étrange que cela paraisse, beaucoup de substances sont en quelque sorte à la fois solides et liquides.
Prenons, par exemple, un bâton de cire à cacheter et frappons-le à coups de marteau. Il se cassera en morceaux, comme s'il était en terre cuite ou en verre. Mais si nous en prenions un autre morceau et que nous l'abandonnions plusieurs années dans un pot, nous découvririons alors que la cire s'est répandue au fond, comme un liquide.
De même, une pièce de monnaie déposée sur la surface d'un brai apparemment solide tombera au fond, si on lui en laisse le temps, tandis qu'un bouchon de liège remontera à travers le brai solide , comme à travers de l'eau. On cite encore la fameuse cire de cordonnier, qui semble si rigide qu'on peut en faire des diapasons. Mais si un musicien en laissait traîner un assez longtemps sur une planche, il trouverait à sa grande surprise que son instrument s'est répandu sur toute la longueur de la planche, comme du miel. Du point de vue purement physique, il faut considérer le brai et la cire comme de véritables liquides, et attribuer leurs apparentes propriétés “ solides ” à leur extrême viscosité. Ces substances se briseront sous l'action d'une puissante force instantanée, qui tentera de les déformer trop rapidement, mais elles s'écouleront si on les soumet assez longtemps à des forces plus faibles. La différence entre ces substances hypervisqueuses d'aspect solide et les vrais solides, qui ne s'écoulent jamais, réside dans leur structure moléculaire interne. |
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