Alain Colas, navigateur solitaire
Alain Colas, navigateur solitaire
"Le préalable de l'aventure, c'est la petite flamme que l'on a en soi", écrivit un jour Alain Colas. L'aventure, dans tout son sens créateur et noble, Alain Colas va la rencontrer sur les océans immenses, dans les cyclones du Pacifique et de l' Atlantique, en doublant le Cap Horn, à bord de bateaux toujours plus extrêmes.
C'est pourtant loin du monde marin qu'il passe les vingt premières années de sa vie. Né en 1943 à Clamecy, une petite ville proche de Nevers, il fait ses études à Auxerre, puis Dijon et Paris, où il obtient une licence d'anglais, et de lettres. A l'âge de 22 ans, il part pour Sydney, en Australie, comme maître de conférence à l'universitÈ. Là, il voit chaque soir les habitants de Sydney, fous de navigation, partir en mer sur leurs voiliers. Un jour, il monte à bord de l'un d'eux.
Une nouvelle vie commence....
Alain Colas va débuter comme simple équipier d'Eric Tabarly, à bord de Pen Duick III engagé dans la course Sydney-Hobart. Il apprend à naviguer, rencontre son "premier vrai gros temps" en traversant le cyclone Brenda,
et découvre ces bateaux étranges et imprévisibles, les trimarans. Mais son ambition est de devenir seul maître à bord et de participer aux plus grandes courses. Il rachète le trimaran Pen Duick IV à son maître Eric Tabarly et devient, pour financer l'opération, un grand homme d'affaires.
Entre deux voyages, il demeure à Tahiti, où il rencontre Teura, qui devient sa compagne. Il écrit beaucoup, raconte ses voyages dans des articles qu'il revend en Belgique, en Allemagne.
En 1972, Pen Duick se prépare à affronter la 5e Course Transatlantique. Le 17 juin, sur la ligne de départ, les favoris sont là : Jean-Yves Terlain sur Vendredi 13, Jean-Marie Vidal sur Cap 33, et Alain Colas. C'est lui qui arrivera en tête à Newport, en pulvérisant tous les records. A 29 ans, il remporte la course la plus célèbre au monde. A son retour, il fait la une de tous les journaux. La France découvre ce marin au parcours original, spontané, sympathique, doué du sens de la communication.
Il est rentré depuis quelques mois à peine qu'il annonce à la presse sa volonté de tenter le tour du monde en solitaire. De nouveau Pen Duick IV est entièrement revu et rebaptisé : "Manureva". Alain Colas n'a plus qu'un seul but, franchir le Cap Horn. Il l'atteint le 3 février 1974, et finit sa course un mois plus tard, en battant de trente-deux jours le record détenu par Sir Chichester.
Toujours plus. Alain Colas veut relever de nouveaux défis. Il rÍve d'un bateau gigantesque, future "cathédrale des mers". Handicapé par un accident au cours duquel il a la cheville sectionnée, il se bat, depuis sa chambre à l'hopital de Nantes, pour mener son projet à terme. "Club Méditerranée" voit le jour après des mois de labeur, et prend la mer, Alain Colas seul à son bord, pour la Transat 76. C'est le premier grand échec du navigateur, qui perd la course devant Eric Tabarly.
Mais déjà, Alain Colas songe à la revanche. La décision est vite prise : il prendra le départ de la premiére Route du Rhum, lancée en 1978, où seront présents les skippers de la nouvelle génération, Poupon, Peyron, Pajot.
Le bateau ? Ce sera le vieux Manureva qu'on repeint, qu'on équipe d'un nouveau gréément. Sur ce bateau déjà ancien, handicapé par sa cheville blessée, Alain devrait se montrer prudent. Mais c'est toutes voiles dehors qu'il s'engage dans la course. Des communiqués réguliers font état du mauvais temps. Le jeudi 16 novembre, à 4 heures du matin, il annonce : "dans la nuit de mercredi à jeudi, j'ai dépassé la mi-course". C'est son dernier message. Les jours suivants, la tempête se déchaîne sur la route des bateaux. Perdu quelque part au large des Açores, Manureva ne répond plus.