Correspondances symboliques entre la terre et l'homme dans les différentes traditions
La terre sang minéral
(extrait du livre de Jean-Pierre Bayard, Le Monde souterrain, Ed. Flammarion 1961)
Avant de débuter l'étude du monde souterrain, il convient de considérer brièvement le mystérieux signe de
Ajoutons dans l'enseignement occulte taoïste et dans la théorie des sceaux de la main (Si-Do-In-Dzou : gestes de l'officiant dans les cérémonies mystiques des sectes Tendaï et Singon), l'auriculaire représente l'élément Terre.
Par l'étude géologique des entrailles de la terre, les forces telluriques –volcaniques ou électromagnétiques – peuvent s'envisager comme l'effet de radiations cosmiques. Ces forces souterraines prennent d'ailleurs le nom de divinités comme Rhéa, Cybèle et Déméter ; et d'après
Pour les anciens, ces forces mystérieuses influençaient les actes de leur vie et tous ces phénomènes révélaient la présence d'un dieu.
Les connaissances des anciens étaient beaucoup plus étendues que nous et il semble bien en effet, que ces forces telluriques soient comparables aux forces éthériques et qu'elles reflètent la complexité de nos vaisseaux sanguins. Le Soleil – le cœur – génère le cosmos considéré comme un être vivant. Remarquons, à ce propos, que les prêtres de l'ancienne Egypte connaissaient la circulation du sang mais leur science de l'embaumement nous demeure étrangère ; ils réalisent le vide dans le crâne en évacuant le cerveau et le cervelet par les narines ; ils rinçaient la boîte crânienne et l'imbibaient de saumure sans toucher à l'extérieur de l'être, sans laisser une trace ; ce qui prouve une profonde connaissance de l'anatomie. Le docteur Erasistrate de Julis, dans l'île de Céos, pratiquait des expériences sur le cœur 300 ans avant J.-C. , il affirmait que le sang véhiculait le pneuma, c'est-à-dire l'esprit. Plus tard, des savants se moquèrent de ces théories sans songer à l'élément spirituel et ils pensèrent que le sang transportait de l'air. A la même époque, au IIe siècle après J.-C., Ptolémée plaçait la terre au centre de l'univers tandis que Galien affirmait que le cœur n'était pas à l'origine des pulsations. Est-ce le sang animé qui fait battre le cœur ou est-ce le cœur qui donne le mouvement au sang ? De même par sa position centrale le soleil devient le cœur du monde : « Occupant au-dessus de l'éther le trône du milieu et ayant pu figurer l'orbe éblouissant qui es le cœur du monde, tu remplis tout d'une providence capable de réveiller l'intelligence (Proclus, Hymne au Soleil). Pour Macrobe (Commentaire sur le Songe de Scipion, 1, 20), le Soleil est l' « intelligence du Monde ».
Il existe un donc un rapport entre le Cœur, le Soleil,
On comprend mieux l'étroite parenté qui lie la terre à la femme. La femme, pour Platon, imite la terre ; le gouffre de Delphe représente l'organe générateur féminin qui se dit delphi ; Mircea Eliade a recherché l'étymologie des noms qui apparentent la caverne à la femme. Dans la terre, où croissent les métaux, la mine devient la matrice, la terre le ventre de la mère d'où tout naît et où tout retourne ; cette matière ténébreuse, noire par définition, devient verte par sa végétation ;
Ainsi toute vie s'élabore dans ce monde souterrain. Et si une force magique fait germer la graine, l'homme descendra dans cet œuf primordial, cet œuf philosophique, afin d'être régénérée dans le siège de sa première naissance. C'est retrouver le lieu initial, celui d'avant la chute ; par la digestion d'une force tellurique l'élu trouve la lumière spirituelle. Ce rayonnement obscur sera visible avec la descente aux enfers où, après une sublimation, l'homme acquiert sa qualité d'être initié ; il trouve là le bonheur car il faut se souvenir de la parole que prononce le Bouddha à la fin de sa vie terrestre au profit de son fidèle Ananda : « Ne te laisse pas abuser, Ananda. La vie est une longue agonie, elle n'est que douleur. Et l'enfant a raison de pleurer dès qu'il est né. C'est là la première vérité. » La cabane initiatique, la grotte, le temple, l'enclos sacré où se transforme l'adolescent représentent le ventre maternel ; le candidat se place avant sa naissance biologique dans la nuit cosmique, afin de participer à une seconde naissance.
La terre en tant que matrice se retrouve dans la conception alchimique où les trois couleurs de l'œuvre vont du noir –couleur de la terre et du dieu Osiris – au rouge en passant par le blanc ; mais ce blanc n'est sans doute que la représentation de « l'absence de couleur », cette couleur transparente du Grand Rayon émané, la seule qui soit vraie ; le blanc est la couleur des initiés et le pape s'habille symboliquement en blanc. Ce drapeau français aurait été composé par le maçon Louis David sur le principe de ces trois couleurs alchimiques ; le bleu foncé ou le noir correspond à la bourgeoisie ; le blanc au peuple ou paysans, et le rouge à la royauté. Dom Pernety dans son Dictionnaire Hermétique fait le rapprochement entre la terre et l'œuvre alchimique : « Ce chaos se développant par la volatilisation, cet abîme d'eau laisse voir peu à peu la terre, à mesure que l'humidité se sublime en haut du vase. C'est pourquoi les chimistes hermétiques ont cru pouvoir comparer leur œuvre, ou ce qui s'y passe pendant les opérations, au développement de l'Univers lors de la création ».
Cette vie universelle cachée a été représentée par la croix ansée, ce signe hiératique égyptien. Mais la croix gammée que nous retrouvons dans toutes les civilisations et qui orne aussi bien le dolmen que le Tombeau de
A partir de l'argile rouge – ou adamah – fut formé le premier homme ; Adam, qui signifie aussi rouge, se rattache de cette manière à la tradition atlantéenne, et le rôle du potier a été « le symbole de la production des êtres manifestés ». Stanislas de Guaïta fait remarquer (édition 1915, p. 88) qu'en fait nous avons seulement déduit que l'homme avait été formé par le Seigneur en pétrissant un peu de terre glaise ses doigts que parce que le vocable Adam a formé les composés Adôm (Rouge ou rougi) et Adamah (Terre ou limon). Mais lorsque Adam est conçu il représente une perfection ; il est un terme ; ce n'est que plus tard qu'il est déchu par sa faute. La couleur de la terre peut donc symboliser la puissance sur le plan humain.
La caverne se peint en rouge et Léonard de Vinci conserve le même symbolisme. René Guénon s’interroge souvent sur cette valeur de la terre et du ciel, où l’homme universel sert comme un intermédiaire. Selon de nombreuses traditions l’univers est formé de sept terres qui seraient disposées et peuplées hiérarchiquement ; la « terre supérieure » serait notre planète, les six autres des degrés inférieurs. Ce monde implique des notions de temps, d’espaces matériels, de perceptions sensorielles qui sont niées par d’autres traditions qui abolissent en particulier le Temps. Léo Maya trouve dans cette conception le « cycle sabbatique » de sept fois sept ans et au terme duquel, au cinquantième millénaire –le Grand Jubilé-, le monde se réintègre dans le principe divin ; il est bien évident que nous pouvons rapprocher cette construction de l’univers de la valeur des sept Sephiroth ; les quarante-neuf degrés sephirothiques sortent de Binah et y retournent ; Binah est donc à la fois l’unité et le cinquantième degré.
Ce chiffre du Jubilé est celui de Moïse, des cinquante interprétations de la loi. Avant d’atteindre ce stade de l’état paradisiaque nous passerons par bien des tribulations, mais entre ces restaurations provisoires nous aurons peut-être des moments de repos caractérisés par le cycle du Fiat-Lux, le parfait équilibre entre l’esprit et la matière. Cette conception de l’univers avec les sept terres nous entraîne encore à rechercher le grand centre de repos ou nous abordons la connaissance infinie ; pour aboutir au Sabbat cosmique nous ne possédons que trois valeurs : la terre, le ciel et notre présence. La tradition chinoise songe aussi à trois principes créateurs : le ciel, la terre et l’homme. Le ciel figure comme un trait vertical, la terre comme un trait horizontal ; l’homme se trouve à l’intersection de ces deux lignes, au lieu de rencontre de l’esprit et de la matière ; il se situe donc au centre de la croix. Ciel, Homme, Terre, forment les trois pôles de la croix, et conserve, ésotériquement, la même puissance. Même conception dans le Sepher-Yetzira : « il y a trois pères : le feu, l’eau et l’esprit. Le feu est en haut, l’eau est en bas et l’esprit les unit. » L’activité s’abaisse vers la contemplation et pour cette polarité les puissances s’équilibrent. « Le corps », dit le Zohar, est le vêtement de Nephesh ; Nephesh le vêtement de Roûach ; enfin Roûach le vêtement de Neshamah. » Ce sont les trois éléments de l’homme : le corps, l’âme et l’esprit.
Cette Grande Triade se rapporte directement à notre sujet ;
- Le cercle de Keugant, cercle vide, où nul Etre ne peut subsister, hormis Dieu lui-même ; ni les vivants ni les morts n’y accèdent, et Dieu seul peut le franchir.
- Le cercle d’Abred, cercle de
- Le cercle de Gwenwed, cercle de
Cette triple enceinte, qui donna naissance à d’intéressantes analyses, se trouve dans la littérature hindoue. Le Mandala, qui signifie en sanscrit le cercle, représente le monde divin. Du carré on se dirige vers le foyer, c’est-à-dire de l’extérieur vers l’intérieur. La pensée progresse du pourtour vers le centre qui est réduit en un point où s’identifie le divin. Au cœur se trouve la résidence du dieu sous la montagne cosmique, le Potalaka ou le Meru. Le Musée Guimet possède quelques représentations de ce cheminement vers le Paradis. Dans la mystique hébraïque,
Cette triple enceinte se retrouve dans les graffitis gravés par les Templiers. Charbonneau-Lassay a analysé ces signes ; la figure 3 existe au château de Chinon, la figure 4 dans l’abbaye de Seuilly (Indre-et-Loire) ; d’ailleurs le plan octogonal préoccupe cet ordre. La croix peut traverser les trois carrés comme nous le voyons dans l’ancien donjon rond de Loudun. Mais c’est dans une pierre de l’ancienne mérovingienne ou carolingienne à Ardin (Deux-Sèvres) qu’apparaît mieux le Point Central, demeure de Dieu.
La terre est la matière passive,
L’action du ciel représenté par le nombre 3 sur
Nous devons rechercher cette union qui est à l’origine des temps ; autrefois Izanagi et Izanami ne sont pas séparés. Euripide sait que le ciel et la terre ne forment qu’un. D’après un mythe fort répandu, le chinois Tuang-Ku sépare le ciel de la terre. Nous comprenons maintenant pourquoi nous pouvons rattacher le système nerveux du néophyte à celui de la terre et du cosmos, à tous ces courants magnétotelluriques qui se propagent suivant des lois que nous ne connaissons plus. Il faut se placer avant la rupture de l’unité primordiale, dans cette unité cosmique, base de l’harmonie et de