Extrait de l'histoire des R + C de Sédir 001

LA ROSE-CROIX



La Rose-Croix est l'une des manifestations de la Providence de Dieu.

Un même principe régit le cosmos, les individus et les collectivités. Dieu a donné au grand Tout des règles et des lois et, aux êtres qui peuplent l'univers, Il a donné le libre arbitre. Lorsqu'une de ces lois est enfreinte, un régulateur vient alors, porteur non pas d'un jugement mais d'une espérance ; sa fonction est de rétablir l'équilibre. Tel est le rôle des comètes.

Celles-ci suivent dans l'espace un circuit déterminé. Elles ne reviennent jamais par le même chemin. Quand l'une a accompli sa mission, elle disparaît, et une autre vient, qui reprend le chemin au point où la première l'avait laissé.

Voici maintenant l'origine des races humaines.

A un moment donné Dieu a envoyé une partie des anges dans le Créé pour y acquérir la connaissance. Cette descente dans le relatif, certaines théologies l'appellent la chute. Mais il n'y a pas eu de chute, au sens éthique du mot. La seule chute, c'est lorsque nous commettons une faute.

Toutefois il est bien certain que les créatures lancées dans le relatif seraient dans l'impossibilité de remonter vers l'Absolu - ce qui est la raison d'être et le but de leur existence - si le Père ne leur donnait tout ce qui leur est nécessaire pour gravir ce « chemin du retour ».

Les chemins sont ce qu'il y a de fixe ici-bas et dans tous les mondes. Chaque famille d'êtres a son chemin et tous les membres d'une famille suivent le même chemin. Toute créature a son propre chemin à parcourir, et celui-ci est différent pour chacun.

L'astronome belge Ch. Lagrange (1), reprenant les travaux entrepris dans la première moitié du XIXe siècle par le major Brück, a recherché, par des moyens scientifiques, les « lois constituant un lien défini entre la vie de l'humanité et l'organisme physique du globe » (2). Il a établi « que le mouvement historique est réglé sur un canevas mathématique, défini et déterminé jusque dans ses moindres détails » (2) et il déclare : « Les positions des centres d'action, tels Londres, Jérusalem, Rome, les lieux de naissance et d'action des hommes célèbres, missionnaires de l'humanité, rien de tout cela n'est arbitraire ; tout cela est choisi et déterminé d'une manière mathématique. II y a une géométrie et une cinématique historique » (2). « Toute cette dispensation est écrite d'une manière géométrique sur la surface de la terre par la disposition des lieux historiques » (3).

Mais ceci n'est qu'une infime partie de la réalité. Et celle-ci est telle que l'on ne peut qu'à peine l'indiquer. En effet, sont disposées, suivant des lignes orientées d'Est en Ouest et à des points déterminés dès l'origine de la formation de la terre et de l'homme, toutes les manifestations de la vie des êtres dans leur évolution individuelle et dans leur développement spatial : religions, philosophies, sciences, esthétique, art militaire, thérapeutique, législation, sociologie, événements, etc.

Une semblable providence règle la vie de tous les mondes. De sorte que, comme le dit Lagrange, « l'univers tout entier n'est lui-même qu'un signe, une écriture des vérités de l'ordre spirituel » (4).

Mais le Père n'a pas seulement organisé à l'avance le cadre où se déroulerait la vie des créatures ; Il a encore voulu qu'à chaque race qui vient dans le monde la parole de Dieu soit annoncée par un envoyé spécial, sous la forme qui conviendrait le mieux à sa mentalité et à ses conditions d'existence. II est, en effet, depuis la création du monde, un centre où brille, dans sa pureté originelle, la véritable Lumière. Et c'est ainsi que cette parole non écrite, les messagers de Dieu la transmettent siècle après siècle aux créatures jusqu'à ce que celles-ci soient retournées à leur état primitif.

***

De quelle nature est cette Tradition ?

À cette question les théoriciens modernes donnent deux réponses opposées. Pour les uns, cette tradition est purement métaphysique ; pour les autres - dont nous sommes -, cette tradition est mystique.

Parmi les tenants de la thèse métaphysique, René Guénon occupe, dans notre monde occidental, une place de premier plan. Les nombreux ouvrages qu'il a publiés sur ces sujets sont très savants, mais d'une netteté, d'une précision, d'une objectivité dignes d'éloges ; ils sont d'une utilité primordiale pour les penseurs contemporains dont la subtilité intellectuelle risquerait souvent de s'égarer en se renseignant, par le moyen des vulgarisations courantes, parfois hâtives et fort peu objectives, sur la métaphysique - laquelle, à l'inverse de ce qui se passe en Occident, est toujours en Orient l'objet d'une connaissance effective.

R. Guénon a résumé les idées directrices de ses grands ouvrages dans une conférence sur La Métaphysique orientale, remarquablement pertinente à la fois et claire, qu'il donna a la Sorbonne en 1925, et dont voici la thèse:

La métaphysique est la connaissance par excellence. Ce n'est pas une connaissance naturelle, ni quant à son objet ni quant aux facultés par lesquelles elle est obtenue. Notamment, elle n'a rien à voir avec le domaine scientifique et rationnel. Il ne s'agit pas d'opérer des abstractions, mais de prendre une connaissance directe des principes éternels et immuables.

La métaphysique n'est pas une connaissance humaine. Ce n'est donc pas en tant qu'homme que l'homme peut y parvenir ; c'est par la prise en conscience effective des états supra-individuels. L'identification par la connaissance - selon l'axiome d'Aristote : Un être est tout ce qu'il connaît - est le principe même de la réalisation métaphysique.

Le moyen le plus important est la concentration. La réalisation consiste d'abord dans le développement indéfini de toutes les possibilités virtuellement contenues dans l'individu ; ensuite dans le dépassement définitif du monde des formes jusqu'au degré d'universalité qui est celui de l'être pur.

Le but dernier de la réalisation métaphysique est l'état absolument inconditionné, affranchi de toute limitation. L'être délivré est alors vraiment en possession de la plénitude de ses possibilités. C'est l'union avec le Principe suprême.

La véritable métaphysique ne peut être déterminée dans le temps : elle est éternelle. C'est un ordre de connaissance réservé à une élite.

***

On voit, par ce trop court résumé, avec quelle aisance R. Guénon nous guide sur le chemin déconcertant pour nous, Occidentaux, de la méditation extrême-orientale. L'étudiant lira également avec intérêt les nombreux passages où, dans ses autres écrits, l'auteur indique des analogies très suggestives entre la doctrine d'un Sankaratcharya par exemple, et les autres traditions ésotériques : le taoïsme, le soufisme, l'hermétisme, la Kabbale, la théologie catholique, l'Evangile.

J'ajouterai toutefois quelques réflexions.

Dans l'un de ses ouvrages les plus connus (1) R. Guénon met en garde, avec raison, contre la manie du système. En effet, tout système est une particularisation, donc une cause d'erreur. En connaissance, en « gnose », tout est possible, et tout contient une certaine part de vérité. Mais rien ne contient la somme de toutes les vérités. Ajoutons que cette somme abstraite ne constitue pas elle-même la Vérité totale, qui la dépassera toujours. Cette absence de systématisation est, pour R. Guénon, le caractère même de la métaphysique, surtout de la métaphysique indoue. Je dirai qu'elle est encore bien plus profondément le caractère même de la Connaissance intuitive et directe que le Saint-Esprit accorde au disciple parfait du Christ.

De plus, il est entendu que la Connaissance intuitive, la seule universelle, dépasse la connaissance discursive, rationnelle, mentale, cette dernière étant constituée par la totalisation du plus grand nombre possible de connaissances particulières et par leur synthèse. II est entendu, d'autre part, que le langage, quelles que soient la richesse et la précision d'idiomes comme le sanscrit et telles autres langues orientales, il est entendu que le langage décrit surtout les expériences de la conscience ordinaire, et que, dès que l'on passe dans ces régions supramentales que les Européens nomment l'inconscient, mais qui, en réalité, sont des consciences plus subtiles, les langages humains perdent de leur précision, surtout lorsqu'on leur demande d'exprimer des états de conscience inconnus du lecteur. Comment donc quelqu'un peut-il affirmer, par exemple, que le Wang taoïste est l'Adam Qadmon hébraïque ; que le Rouach Elohim est assimilable à Hamsa - inutile de multiplier ces analogies - ; comment, dis-je. peut-on affirmer de telles égalités si l'on n'a pas expérimenté personnellement l'état de vie nommé Wang, Adam Qadmon, Hamsa ou Rouach ? Car l'idée théorique que l'on se fait d'une chose n'est pas toujours exacte ; l'expérience quotidienne nous l'apprend.

De telles hardiesses, pour sincères qu'elles soient et consciencieuses, sont engendrées, à mon avis, par une foi préalable en la supériorité des spéculations intellectuelles. Certes, la vraie métaphysique, celle à laquelle R. Guénon dédie ses travaux, est le plus beau, le plus pur des regards que la pensée puisse jeter sur l'univers de l'Abstrait. Mais son culte exclusif mène nécessairement au dégoût de la vie et de l'action. Voilà justement, s'écriera M. Guénon, où les Européens montrent qu'ils ne sont que des enfants turbulents, et il sourira de nous du même sourire que le sage Lao-Tseu, les vénérables Rishis, et tous les Mounis, et tous les Jivanmuktis laissent tomber avec indulgence sur les bruyants barbares d'Occident.

Si le but de la vie n'est que de connaître, s'il suffit de penser pour remplir notre labeur humain, si rien n'existe que des états de conscience, rien n'a plus grande importance et la seule besogne digne de nous, c'est de laisser tomber toute créature, tout désir, toute oeuvre, pour nous réfugier dans une conscience de nous-mêmes de plus en plus abstraite, de plus en plus générale, de plus en plus immobile. C'est un programme austère et beau, sans doute ; mais il n'est réalisable que pour ces êtres qui ne sont qu'intelligence. Et puis, toutes les manifestations existantes de l'Absolu ne sont pas pour qu'on s'en détourne ; les abandonner parce qu'elles nous embarrassent, comme fait le yogi ou l'arhat, ce n'est pas généreux, ni chrétien. Il est vrai que le caractère sentimental du christianisme appelle le sourire sur les lèvres désabusées de ces sages.

A mon avis, la réalisation progressive des commandements de l'Evangile opère dans notre être une spiritualisation lente, au cours de laquelle notre inconscient perçoit plus nettement la Lumière, et notre intellect, notre cerveau, notre corps même deviennent de plus en plus perméables à cette Lumière, le savoir croissant ainsi spontanément en nous, au fur et à mesure de nos perfectionnements dans l'action, par des triomphes renouvelés sur l'égoïsme.

Les Orientaux cherchent la délivrance ; les chrétiens cherchent le salut, La délivrance, c'est la conquête de l'indépendance des lois, des formes et des appétits, Le salut, c'est, pour la foule, la prolongation dans le bonheur de l'individualité terrestre, Ce devrait être, si tous les chrétiens comprenaient bien leur Maitre, la transmigration de l'individu total dans le Royaume éternel. Les Orientaux veulent conquérir la délivrance en se réfugiant dans le point abstrait, origine de toutes les formes spatiales. Les chrétiens s'efforcent de se rendre capables de recevoir la Liberté par le baptême de l'Esprit. Les deux indépendances sont aux antipodes l'une de l'autre.

R. Guénon stigmatise « l'ignorance des néo-spiritualistes, qui localisent les modalités extra-corporelles de l'individu et qui situent les états posthumes quelque part dans l'espace ». Cela signifie, en langage simple, que l'enfer, le purgatoire, le paradis ne sont pas des lieux, comme le croient les puérils Occidentaux, mais des états. Cependant, chrétiens simplistes et métaphysiciens ont tous raison. De même que toute créature est à la fois un individu, une collectivité et un milieu, les modes de l'existence universelle sont à la fois des lieux, des états et des faits instantanés. M. Guénon admet que Hénoch, Moïse, Elie ont vu disparaître leur forme corporelle « passée tout entière soit à l'état subtil, soit à l'état non manifesté ». Les atomes du corps de Moïse, dissociés par un agent inconnu, n'ont pas pu tomber dans le néant ; ils ont été transmués, mais quelque part, dans un autre espace peut-être. Les phases de la délivrance ne seraient donc pas toujours des états métaphysiques ; elles se localiseraient donc ? Et, si l'existence du Délivré « passe hors de toute forme, est dilatée au delà de toute limite, parce qu'il a réalisé la plénitude de ses possibilités », comment concilier cette conclusion avec la précédente ? Car, si le Délivré vit par-delà toute forme, toute mesure et toute durée, tous les non délivrés vivent dans des formes, des mesures et des durées. Or ce sont ces derniers qui expérimentent les purgatoires, les paradis de l'ascèse, ou les enfers de l'abrutissement.

Le Délivré est "affranchi des conditions de l'existence individuelle humaine, ainsi que de toutes autres conditions particulières et limitatives... Il est une conscience omniprésente... manifestant des facultés transcendantes" . Faut-il entendre que ce Délivré ne sent plus la faim, la soif, ni le sommeil, qu'il lit les pensées, bref, que les voiles de la matière n'existent plus pour lui et qu'il commande en semant les miracles ? Nous voilà bien loin de la métaphysique. Notre auteur prend soin de nous informer, avec juste raison, que de tels résultats sont "partiels, secondaires et contingents ;... ce sont des moyens" . L'Union, la vraie Délivrance, se trouve au delà de l'Etre, dans le non conditionné, et s'acquiert par la fixation constante de la pensée sur cet Inconditionné. Les rites, les pratiques ésotériques n'étant que des auxiliaires non indispensables. Mais il suit de là que le chrétien qui sert le Verbe par une obéissance constante et un amour sans défaillance ne peut pas monter plus haut que le Verbe : l'Etre existant par lui-même. Tandis que le métaphysicien, pour lequel au-dessus du Verbe siège encore le Principe Suprème, non manifesté, tient son ascèse pour plus sublime ; pour lui, l'action ne peut pas conduire au Non manifesté, seule la Connaissance y mène.

En somme, la connaissance nous conduit, de formes grossières en formes subtiles, à l'abstrait métaphysique. L'action nous conduit, d'existences cupides en existences rayonnantes, à la vie éternelle, je préfère ce second chemin. Et puis, on m'excusera de le redire encore, l'inconvénient des conclusions théoriques reste de ne pouvoir juger les choses lointaines que par induction en quelque sorte. Sans doute, un Cuvier reconstituera sur un os toute la physionomie de quelque animal antédiluvien ; mais les images du Muséum peuvent-elles donner la même notion vive que la vue de cet animal donnait autrefois à nos ancêtres des cavernes ? Ainsi, je prétends qu'il est téméraire de dire que l'Ananda indoue, le Vide taoïste, le Nirvâna bouddhiste, la Sekinah musulmane, la Shekinah juive, la Pax profunda rosicrucienne, la Lumière de Gloire chrétienne soient la même chose. Pour promulguer cette affirmation, il faudrait avoir suivi successivement jusqu'au bout chacune des écoles précitées et en avoir ensuite comparé les fruits.

En somme, n'attendons de chaque méthode que ce qu'elle peut donner. La méditation, l'action, la dévotion offrent aux différents types de chercheurs leurs ressources propres; mais elles ne s'équivalent point, ni ne conduisent au même sommet. Et, au surplus, rien ne remplace l'amour du prochain.

***

Ainsi l'humanité, depuis le jour, lointain dans le temps, où Dieu l'a envoyée dans le monde, marche de tâtonnements en tâtonnements vers la Maison du Père. Individuellement et collectivement les hommes ont reçu dans leur passé millénaire un rayon de la véritable Lumière. Mais la terre est constitutionnellement incapable de conserver longtemps sans le déformer le don que Dieu lui a fait ; l'homme a le pouvoir de s'écarter du chemin qui lui a été tracé. Alors la Miséricorde envoie des êtres qui apportent un espoir ou un exemple, qui viennent jouer auprès des créatures le rôle que remplissent les comètes dans le cosmos.

Telle est la fonction des sociétés secrètes ; telle est la mission des messagers de l'Absolu, notamment des Rose-Croix.

Avant d'aborder l'étude des Rose-Croix, disons quelques mots des sociétés secrètes.

A toute époque, au-dedans ou en dehors des courants de pensée officiellement reconnus, ont existé des sociétés secrètes. CeIles-ci sont des manifestations, en principe momentanées, des gardiens inconnus de la Tradition primordiale, Wronski, dans son Messianisme, expose comme suit les buts de ce qu'il appelle les « associations mystiques » :

1 ° Participer à la marche de la Création en limitant, matérialisant, ou incarnant, si l'on ose dire, la réalité absolue par l'exercice des sentiments et des actes surnaturels ;

2° participer en particulier sur la terre à cette marche de la Création, en dirigeant les destinées de notre planète, tant religieuses et politiques qu'économiques et intellectuelles.

Et il ajoute:

« Ne pouvant pratiquer ni discuter publiquement les efforts surnaturels que fait l'association mystique pour prendre part à la Création, parce que, pour le moins, le public en rirait ; ne pouvant non plus diriger ouvertement les destinées terrestres, parce que les moyen des sociétés secrètes. Ainsi, comme on le conçoit actuellement, c'est dans la scène du mysticisme que naissent toutes les sociétés secrètes qui ont existé et existent encore sur notre globe, et qui, toutes, mues par de tels ressorts mystérieux, ont dominé et continuent encore, malgré les gouvernements, à dominer le monde.
» Ces sociétés secrètes, créées à mesure qu'on en a besoin, sont détachées, par bandes distinctes et opposées en apparence, professant respectivement et tour à tour les opinions du jour les plus contraires, pour diriger séparément et avec confiance tous les partis politiques, religieux, économiques et littéraires, et elles sont rattachées, pour y recevoir une direction commune, à un centre inconnu où est caché le ressort puissant qui cherche ainsi à mouvoir, invisiblement, tous les sceptres de la terre ».
Enfin, pour ne rien oublier, rappelons que ce n'est pas seulement parmi les intelligences d'une capacité supérieure que les sociétés secrètes se recrutent; au contraire, la grande masse de leurs adhérents vient d'en bas, des couches profondes. La foule de ceux qui peinent pour un salaire dérisoire, des serviteurs que la nécessité soumet à des humiliations constantes, de ceux dont l'exaltation sentimentale est brutalement rabaissée à chaque pas qu'ils font dans la vie, tous essaient d'échapper à leurs douleurs ou bien par l'abrutissement volontaire, ou par la résignation que leur procurent les secours de la religion ou enfin par cette espérance de l'Impossible, par cette intuition de l'Au-delà, secret mobile de tous ceux qui s'adonnent à l'étude des sciences occultes.

Dans ce dernier cas, ils ont choisi une route encore plus dure. Ils oublieront leurs premières souffrances en se vouant à d'autres et plus cuisantes douleurs. Car le voile qui sépare l'Occulte du Patent se lève sur deux abimes : celui de la Lumière et celui des Ténèbres. La plupart du temps, c'est dans ce dernier que les malheureux dont nous parlons seront précipités ; car les premiers hiérophantes que l'on rencontre sur la route du Temple sont des êtres de volonté, dont l'exaltation personnelle fait toute la force : ils apprendront à leurs disciples à gouverner quelques parties du moi physique ; ils les inclineront à prendre les forces de l'égoïsme et quelquefois même celles de la passion pour les rayonnements d'une pensée soi-disant libre.

Souvenons-nous que l'action de la société secrète est liée au rattachement de ses membres à l'invisible et que dans l'invisible se déroule une bataille perpétuelle entre les soldats du Christ et ceux de l'Adversaire. Les événements de l'histoire mystique sont le résultat matériel des incidents de cette lutte. Il suit de là qu'à la porte de tous les appartements du Temple il y a des corrupteurs à l'affût des arrivants, et qui font tous leurs efforts pour les jeter dans la voie de gauche, par la séduction ou par la violence. Or, comme les soldats du mal sont puissants dans le royaume de l'ombre, et que les rites des sociétés secrétes s'appuient forcément sur la lumière noire, ainsi que toute magie cérémonielle, l'esprit du Christ s'est retiré peu à peu des caractères, des invocations et des pentacles. Aujourd'hui, les sociétés secrètes sont, quoi qu'en disent leurs chefs, dans la période de vieillesse, tout au moins dans nos pays ; les peuples sont lentement transformés dans leurs organismes collectifs et deviennent peu à peu capables d'établir au grand jour dans leur conscience des communications avec l'Invisible. Ces développements sont destinés à s'accroître sans cesse jusqu'à l'aurore bénie où le nom du Père sera sanctifié sur la terre comme au ciel.

1. L'Homme et son Devenir, selon le Védânta, Paris (Bossard), 1925.

                                                        


 



30/03/2006
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