L'Acedia ou la coupe d'amertume de l'initié

Pythéas nous fait part de cet article intéressant sur l'Acédia, c'est la coupe d'amertume dans toute son ampleur. Quelqu'un qui se découraage, qui est triste, qui par sa tristesse abandonne le combat pour sa spiritualité intérieure. Voici donc cet article, qui nous pose des questions de l'équilibre et de l'harmonie, de l'être par lui-même.

 

L'Ennui ou la dépression spirituelle (l'acédie)

1. Sa nature

Il y a bien des formes d'ennui. Il y a l'ennui ressenti comme une mélancolie vague, passagère, sans cause apparente et caractérisée par le dégoût de toute chose. Ce sentiment d'ennui qui s'empare soudainement de l'âme et la plonge brusquement dans une tristesse accablante a été souvent décrit par les poètes romantiques comme Châteaubriand, Alfred de Vigny, et surtout par Baudelaire dans "Les fleurs du mal". En fait, une telle langueur morale ne peut être sans cause, mais elle n'est pas une maladie de l'âme dans la mesure où elle n'est que passagère. Il y a aussi l'ennui de personnes aimées dont l'absence nous fait souffrir. Le deuil d'êtres chers engendre cet ennui : on s'ennuie de nos parents, d'un époux, d'une épouse, d'amis intimes dont le souvenir hante notre mémoire. Cet ennui, qui est la tristesse d'un amour privé de son objet n'est pas, de soi, une maladie de l'âme. Si l'on considère le travail, les occupations, les activités culturelles, il s'y trouve de l'ennui, dans la mesure où il y a perte de goût ou d'intérêt. Parce que nous ne sommes pas faits pour rien faire, l'oisiveté est par-dessus tout une source d'ennui. C'est ainsi que beaucoup de personnes âgées, vivant repliées sur elles-mêmes, soit par incapacité de se livrer à des activités valorisantes, soit par ce qu'elles ne savent que faire, n'ayant plus de but ou d'intérêt particulier, s'enlisent dans l'ennui. À plus forte raison, les personnes plus jeunes qui voudraient travailler mais ne peuvent trouver de travail seront éprouvées par l'ennui. Toutes ces formes d'ennui ne sont pas, de soi, des maladies de l'âme; cependant elles peuvent conduire à la maladie spirituelle de l'ennui, si l'âme en prend occasion pour s'éloigner de Dieu.

L'ennui, maladie de l'âme, se rattachant au mal général de la tristesse, est en effet une sorte de dépression d'ordre spirituel, s'exprimant par le dégoût, l'abattement, le découragement, qui enlève à l'âme qui en souffre son élan, son enthousiasme et même son intérêt pour les choses spirituelles, c'est-à-dire pour les actes de la vertu de religion : la prière, la pénitence, la lecture spirituelle, l'étude des vérités religieuses, le culte divin en général. Les Anciens appelaient cette dépression spirituelle "acédie".

La personne déprimée spirituellement peut ne l'être en aucune manière aux plans physique et psychique. Car elle cherche ordinairement à compenser le vide spirituel qu'elle éprouve par de multiples occupations et distractions. Le travail, manuel ou autre avec, selon les personnes, un intérêt croissant pour les arts, les sciences, les loisirs, en viennent à canaliser toute l'attention et à réclamer toutes les énergies. Il n'y a plus de place pour Dieu. L'âme décentrée de son vrai centre, qui est Dieu, - puisqu'elle est faite à son image et ne peut trouver son repos qu'en Lui - ne peut en ressentir qu'un profond malaise, une tristesse, une morosité qui lui collent à la peau et qu'elle essaie d'oublier en fuyant dans les activités extérieures qu'elle se donne.

2. Les espèces d'ennui ou dégoût spirituel

L'ennui ou dégoût spirituel, qui prive l'âme de la joie de Dieu peut être soit une épreuve, habituellement passagère, soit une maladie spirituelle extrêmement dangereuse. Comme ces deux sortes d'ennui produisent les mêmes effets négatifs dans l'âme, les remèdes à l'un et à l'autre seront substantiellement les mêmes.

A) Comme épreuve, le dégoût des choses spirituelles correspond à ce que les maîtres spirituels appellent la désolation. Lorsqu'il définit la désolation, saint Ignace de Loyola décrit en fait ce qu'est l'épreuve de l'ennui ou acédie dans une âme qui tend à progresser dans l'union avec Dieu. L'âme désolée n'éprouve plus la consolation de Dieu, qui l'enflammait dans l'amour de son Créateur : elle ne sent plus l'allégresse intérieure qui l'appelait et l'attirait aux choses célestes et à son bien propre et qui la remplissait de paix. Au contraire, elle est envahie de ténèbres et de trouble intérieur. Elle se sent attirée vers ce qui est bas et terrestre, inquiète devant les diverses agitations et tentations. Elle est poussée à perdre confiance, à être sans espérance, sans amour. Elle se trouve alors toute paresseuse, tiède, triste et comme séparée de son Créateur et Seigneur. (E.S. nn. 316-317).

"L'épreuve du dégoût des exercices spirituels n'est pas une épreuve légère, affirme saint Augustin; si elle t'afflige, reconnais ta misère et crie vers le Seigneur pour qu'il t'en libère. Et lorsque tu en auras été délivré, chante vite ses miséricordes". Sur l'éventualité et même la nécessité de cette épreuve purificatrice, saint Bernard enseigne à ses disciples : "Sans doute, dans le commencement (de votre combat spirituel contre les affections charnelles) votre coeur sera rempli de tristesse ; mais cette tristesse fera bientôt place à la joie. En effet, vos affections seront purifiées, votre volonté sera renouvelée, ou plutôt il en sera créé une nouvelle en vous, en sorte que tout ce qui vous avait paru difficile, impossible même, vous paraîtra plein de douceur et vous l'embrasserez avec une sorte d'avidité". Ces paroles font écho à celles mêmes que Jésus donnait à ses apôtres après la dernière Cène, une heure avant d'entrer dans son affreuse agonie : "En vérité, en vérité, je vous dis que vous pleurerez et que vous vous lamenterez et le monde se réjouira. Vous serez, vous, attristés, mais votre tristesse se changera en joie" (Jean 16, 20).

Saint Augustin rappelle que dans son agonie, Notre-Seigneur Jésus a été accablé par la tristesse et l'abattement, disant: "Mon âme est triste à en mourir". Et cloué sur la croix, il soupirait: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?"

"Bien que cet abattement, même grave, puisse être ressenti sans aucune faute, remarque-t-il, qu'il y ait toujours en toi la volonté d'agir ou de souffrir conformément à la volonté de Dieu, comme elle était en Jésus. Si tu reçois de la main de Dieu la peine de cette désolation, bientôt tu seras réconforté avec Jésus-Christ par la consolation d'un ange, mieux par celle de Dieu même".

B) Lorsque le dégoût spirituel est un état permanent de l'âme, soit en raison de la négligence à prendre les moyens pour la surmonter, soit en raison de la tiédeur dans laquelle elle s'est laissée tomber, et qui devient une véritable torpeur spirituelle qui la replie sur elle-même, la séparant de plus en plus de Dieu, on se trouve devant une maladie spirituelle extrêmement dangereuse. Car cette maladie engendre, dans l'âme, selon saint Grégoire le Grand, la malice, la rancoeur, la pusillanimité, le désespoir et la recherche des plaisirs illicites. Dans son dégoût de la piété et du culte divin, l'âme en arrive à se détourner de toute pratique religeuse et à n'avoir plus de désir que pour les choses du monde. Elle estime non seulement ne pas avoir besoin de la religion, mais ne comprenant plus rien à la sagesse et à la bonté de Dieu qui fait tourner tous les maux au bien de ceux qui l'aiment, elle devient, comme dit saint Jean Climaque, "une calomniatrice de Dieu qu'elle trouve sans coeur et sans bonté".

La dépression spirituelle ou acédie, comme forme de tristesse et d'ennui en face de tout ce qui est du domaine religieux, agit à la façon d'un cancer qui mine d'abord la vertu d'espérance et par conséquent enlève à l'âme son courage, sa force, son énergie, la jettant dans le découragement ou l'indifférence religieuse. Cette maladie spirituelle, ennemie de la persévérance, explique sans doute un grand nombre de défaillances dans la foi. Étant socialement contagieuse, en raison de la mentalité mondaine dans laquelle elle s'enracine, elle est en très grande part responsable du désintéressement collectif de la religion, qui s'exprime aujourd'hui par la diminution très sensible de la pratique religieuse. C'est donc une maladie spirituelle actuelle, bien qu'elle soit presqu'inconnue sous son ancienne appellation. Qu'on lui donne aujourd'hui des noms qui correspondent à ses effets, comme la morosité, l'ennui ou le dégoût de la religion, l'oubli de Dieu, elle n'en reste pas moins très dommageable à la santé des âmes.

3. Ses causes

A) À l'ennui, envisagé comme épreuve de désolation spirituelle permise par Dieu, saint Ignace de Loyola assigne trois raisons principales:

"la première : parce que nous sommes tièdes, paresseux ou négligents dans nos exercices spirituels; c'est alors à cause de nos fautes, que la consolation spirituelle s'est éloignée de nous.

"la seconde : pour éprouver ce que nous valons et jusqu'où nous pouvons aller dans le service de Dieu et sa louange, sans un tel salaire de consolations et d'immenses grâces.

"la troisième : pour nous donner d'apprendre et de connaître en vérité, afin de le sentir intérieurement, qu'il ne dépend pas de nous de faire naître ou de conserver une immense dévotion, un intense amour, des larmes, ni aucune autre consolation spirituelle, mais que tout est don et grâce de Dieu notre Seigneur : et pour que nous n'allions pas faire notre nid chez autrui et nous monter l'esprit jusqu'à l'orgueil et la vaine gloire, en nous attribuant la dévotion ou les autres effets de la consolation spirituelle". (E.S. n. 322)

B) Saint Jean Climaque pense que l'acédie ou ennui, comme mal de l'âme, est due surtout au relâchement spirituel, à la paresse, à un esprit d'insoumission. Il affirme que "l'homme soumis ne connaît pas ce défaut, les choses sensibles étant pour lui occasion de prospérer dans le domaine spirituel", plutôt que de l'inviter à la tiédeur. L'acédie sera alors une sanction dans l'âme de son manque de générosité. "Aussi, écrit-il, une âme généreuse ranime l'esprit quand il est mort mais l'acédie et la paresse dissipent tout le trésor des vertus".

C'est aussi le sentiment de Jean Mosch, de Thalassius et de saint Jean Damascène qui furent en leur temps de grands maîtres spirituels. Dans la Vie des Pères du désert, on lit ce fait :

" Le monastère de saint Gérasime, situé près du Jourdain, avait pour supérieur du temps de Jean Mosch (+ 619), un abbé de grand mérite nommé Alexandre. Un frère vint trouver l'abbé Alexandre et lui dit : "Abbé, je veux quitter l'endroit où je vis, parce que je souffre beaucoup de l'ennui (acédie)", L'abbé Alexandre lui répondit : "Mon fils, ceci est le signe naturel que tu ne penses ni au royaume des cieux ni au châtiment éternel ; car alors, tu ne souffrirais pas de l'acédie". En d'autres termes, si tu souffres de l'acédie ou ennui spirituel, c'est que ta pensée est toute tournée vers les choses de la terre et que tu oublies tes fins dernières.

Pour Thalassius, l'acédie a comme cause principale la négligence dans l'ordre spirituel, essentiellement reliée à la recherche des plaisirs. Il en va sûrement ainsi pour l'acédie actuelle de beaucoup de chrétiens qui désertent les églises, se détournent de Dieu et de Jésus-Christ et n'ont plus de goût, dit saint Paul, que pour les choses de la terre. On trouve la même doctrine chez saint Jean Damascène dans son traité "De la foi orthodoxe".

On peut donc dire que les causes les plus générales du dégoût spirituel qui conduit aujourd'hui un grand nombre d'âmes à se détourner de Dieu et à chercher leur bonheur dans le plaisir des sens est la diminution, quand ce n'en est pas le mépris complet, des vertus de foi, d'espérance et de charité.

La civilisation matérialiste dans laquelle nous vivons tend à saper les fondements divins de la vie religieuse. Il serait aujourd'hui insensé de croire et d'espérer en un Dieu qu'on ne voit pas ; la sagesse consisterait à construire soi-même son propre bonheur sur la base des biens de ce monde. La désorientation spirituelle des âmes au profit d'un attachement de plus en plus grand aux ressources du monde présent ne peut que les entraîner à sentir de plus en plus l'amertume du vide spirituel dans lequel elles sont plongées. L'absence de Dieu, surtout si elle est la conséquence d'un rejet volontaire, débouche sur l'immense tristesse de l'ennui et du dégoût spirituel.

4. Ses remèdes

Que l'ennui spirituel ou acédie soit considéré comme une épreuve purificatrice ou maladie de l'âme, les remèdes sont les mêmes:

1) D'abord ne pas fuir

C'est la première règle que donne Cassien au sujet de l'acédie dans ses Institutions monastiques, au livre X, ch. 25 : "Il est prouvé par l'expérience, affirme-t-il, qu'on ne combat pas l'acédie par la fuite; mais qu'il faut lui résister pour la surmonter".

Fuir devant cette tentation signifie s'avouer vaincu et s'éloigner de Dieu. Un jour ou l'autre, devant leurs devoirs religieux, tous les hommes doivent lutter contre la fatigue, la négligence, la paresse, le découragement et persévérer coûte que coûte dans le service de Dieu. Cette persévérance peut exiger beaucoup de courage.

2) Ne pas perdre confiance et recourir au Christ.

"Lors donc que vous vous sentez tombé dans la torpeur, l'acédie et le dégoût, dit saint Bernard, n'entrez pas pour cela en défiance et ne quittez pas vos exercices spirituels ; mais cherchez la main de Celui qui peut vous assister, conjurez-le à l'exemple de l'Épouse du Cantique, de vous tirer après lui, jusqu'à ce qu'étant ranimé et réveillé par la grâce, vous deveniez plus prompt et plus allègre, et que vous couriez et disiez : "J'ai couru dans la voie de vos commandements, lorsque vous avez dilaté mon coeur" (Ps. 118, v.32).

3) Tenir le regard de l'âme fixé uniquement sur le souvenir de Dieu

"Nous échapperons à ce malaise fait de torpeur et de tiédeur, enseigne Diadoque de Photicé, si nous imposons à notre pensée des limites étroites, en tenant notre regard fixé uniquement sur le souvenir de Dieu. Ainsi seulement l'esprit pourra revenir sans tarder à sa ferveur et sortir de ce trouble irraisonné".

Garder sans cesse le souvenir de Dieu signifie d'abord et avant tout pour Diadoque de se tourner résolument vers le "Seigneur Jésus", de se remémorer son Nom tout-puissant, de l'appeler sans cesse à son secours, d'en faire la nourriture habituelle de son esprit.

"L'esprit réclame de nous d'une manière absolue, explique-t-il, lorsque nous fermons toutes ses issues par le souvenir de Dieu, une oeuvre qui doive satisfaire pleinement sa capacité d'exercice. Il faut donc lui donner le "Seigneur Jésus" comme la seule occupation pour arriver entièrement à ce but. En effet, il est dit : " Personne ne peut dire Seigneur Jésus si ce n'est par l'Esprit Saint" (1Cor 12, 3). Cependant, que sans cesse, dans son cellier intérieur, il tienne son regard si étroitement fixé sur cette parole, qu'il ne s'en détourne pas vers des imaginations. En effet, tous ceux qui méditent sans cesse ce nom saint et glorieux dans la profondeur de leur coeur deviennent aussi, un jour, capables de voir la lumière de leur esprit. Car, si ce nom est retenu par la pensée avec un soin étroit, il consume toutes les souillures qui peuvent surnager dans l'âme, dans la force du sentiment. " Notre Dieu est un feu consumant " (Dt 4, 24) est-il dit. D'où vient que, dès lors, le Seigneur attire l'âme à un grand amour de sa gloire. Car si ce nom glorieux et très désirable reste, d'une manière durable, dans la mémoire de l'esprit, avec la ferveur du coeur, il établit en nous la disposition habituelle d'en aimer la bonté, sans que rien dès lors n'y fasse obstacle. C'est là, en effet, la pierre précieuse que l'on ne peut acheter qu'après avoir vendu tout son bien, et dont la découverte procure une joie indicible." (Diadoque de Photicé, La perfection spirituelle, Migne Paris 1990, p. 41-42).

4) Ne pas faire de changement quant à nos décisions antérieures.

Fort de l'expérience spirituelle des anciens et de la sienne propre, saint Ignace de Loyola nous engage "à ne jamais faire de changement en période de désolation, mais de s'en tenir avec fermeté et constance aux décisions et à la détermination dans laquelle on était le jour qui a précédé la désolation, ou à la détermination dans laquelle on était pendant la consolation qui a précédé". Et il nous donne la raison de cette règle de conduite, en nous rappelant que "dans la consolation, c'est surtout le bon esprit qui nous guide et nous conseille et dans la désolation c'est le mauvais, dont les conseils ne peuvent nous faire prendre un chemin qui aboutisse". (E.S. n. 318).

5) Nous changer nous-mêmes

Saint Ignace nous avertit cependant que "si dans la désolation (ou le dégoût spirituel) il ne faut pas changer nos décisions premières, il est par contre excellent de nous changer nous-mêmes vigoureusement en faisant tout le contraire de ce que nous suggère la langueur que nous ressentons, c'est-à-dire "en nous ancrant davantage dans les exercices spirituels" (prière, examen de conscience, pénitence).

6) Demeurer dans la patience

La patience vient à bout de toutes les difficultés. C'est par elle que grandit la force d'âme. Aussi, si l'âme est plongée dans une désolation qui se prolonge, un ennui qui ne semble plus finir, "elle doit travailler, dit encore saint Ignace, à demeurer dans la patience qui est opposée aux vexations qui lui adviennent". C'est souvent parce qu'on manque de patience et qu'on se décourage que l'ennui spirituel s'aggrave et devient un état maladif. Supportée avec patience, et combattue comme il se doit, la désolation sera vaincue avec la grâce de Dieu et l'âme retrouvera la paix et la joie.

7) Demeurer dans l'humilité

La joie et la désolation se succédant par périodes, dans notre âme, il importe de demeurer dans l'humilité et la confiance. C'est un précieux conseil de saint Ignace qui rejoint l'enseignement des maîtres qui l'ont précédé : " Celui qui est consolé doit tâcher de s'humilier et de s'abaisser autant qu'il lui est possible, en pensant au peu qu'il vaut dans le temps de la désolation, sans cette grâce ou cette consolation. Au contraire, celui qui est désolé doit penser qu'il peut beaucoup avec la grâce qui suffit pour résister à tous ses ennemis, en prenant des forces dans son Créateur et Seigneur". (E.S. n. 324)

Saint Bernard voyait dans cette attitude d'humilité et de confiance, un remède préventif de l'acédie ou ennui spirituel :

" Et si vous vous réjouissez dans la grâce de Dieu, quand elle est présente, ne croyez pas néanmoins posséder ce don comme un droit qui vous est acquis, ni compter trop sur lui, comme si vous ne pouviez jamais le perdre ; de peur que si Dieu vient tout à coup à retirer sa main, et à soustraire sa grâce, vous ne tombiez dans un découragement, une tristesse excessive. Enfin, ne dites point dans votre abondance : " je ne serai jamais ébranlé " (Ps. 29, 7). De peur que vous ne soyez aussi obligé de dire avec gémissement les paroles qui viennent après celles-là : "Vous avez détourné votre visage de moi, et je suis tombé dans la confusion et dans le trouble" (Ibid). Vous aurez soin plutôt, si vous êtes sage, de suivre le conseil du Sage, et de ne pas oublier les biens au temps des maux, ni les maux au temps des biens (Eccl. 11, 27) ". (Saint Bernard, In Cantic, serm. 21).

8. Faire prier pour soi

L'ennui spirituel, le dégoût des choses de Dieu, peut être si grand dans une âme qu'elle se sente incapable de prier, et violemment tentée, dans une sorte de révolte intérieure, de tourner définitivement le dos à Dieu. Plusieurs saints ont éprouvé une telle souffrance intime.

Ainsi, on lit dans la vie de saint Bernard ce qui est arrivé à l'un de ses disciples, Geoffroy de Péronne, qui depuis peu de temps s'était consacré au service de Dieu. Envahi de ténèbres intérieures et aussi par le souvenir de ses amis jouissant des plaisirs du monde, de ses parents, de tous les biens qu'il venait d'abandonner, la tentation de découragement qu'il en éprouvait était si rude qu'il ne pouvait s'empêcher de le laisser paraître extérieurement, lui qui auparavant était si enthousiaste.

Un de ses amis s'apercevant de sa tristesse, lui dit : "Que veut dire ceci, Geoffroy?" "Ah! mon frère, lui répondit-il, ma peine est trop grande, j'ai perdu le goût de prier ; jamais plus de ma vie je n'aurai de joie". Voyant l'état déplorable de Geoffroy, son ami pensa recourir à la prière de saint Bernard. Peu de temps après, Geoffroy était tout pacifié, transformé ; la tempête était passée, et il pouvait dire à son ami : "maintenant je t'assure que jamais plus je ne serai triste".

Ainsi, si notre âme en venait à être plongée dans les épaisses ténèbres de l'ennui ou de la dépression spirituelle, au point de se sentir incapable de prier, l'humble recours à quelque personne proche de Dieu pourra sûrement nous obtenir de retrouver la lumière et la joie.

Nous éprouverons alors la vérité et l'efficacité merveilleuse de ce que l'Église appelle "la communion des saints", les enfants de Dieu unis à son divin Fils constituant une immense famille, où tous les biens spirituels sont communs, la richesse des uns comblant la pauvreté des autres.

J.R.B.

SOURCE :http://agora.qc.ca/dev/2006e.nsf

 

 



15/01/2007
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 358 autres membres