L'Exil des Juifs à Babylone 586 - 539 B.C.

 

   

LES JUIFS DE BABYLONE

-        L'EXIL A BABYLONE 586 / 539 –

Par

Adama

 

 

 

 

Parler de l'exil des Juifs en Babylonie  n'est pas chose facile, étant donné que cet exil dura de la première déportation en -597 de l'ère commune jusqu'au XIe siècle, date à laquelle les Juifs de Babylone cède en prestige aux lumières de la civilisation islamique plurielle d'Espagne où les Juifs auront une grande part. Dans cette étude, nous nous focaliserons pour des raisons de temps, sur la vie des Juifs à Babylone dans l'Antiquité jusqu'à l'époque romaine, en prenant comme date de départ - 586 date de la chute de Jérusalem sous les coups de butoir de l'armée de Nabuchodonosor II.

 

Tout d'abord une constatation s'impose, dans la Bible hébraïque le mot Babylone revient 249 fois, ce qui est considérable. Cela signifie que cette ville phare de l'Orient à compté énormément dans la vie des hébreux.

Nous diviserons ce travail en trois parties, la première partie exposera le pourquoi de cette déportation en Babylonie, la deuxième nous contera la vie quotidienne à Babylone pour les Juifs, la troisième partie, les raisons théologiques de cette déportation d'après les Rabbins.

 

 

I - LA CONQUETE DU ROYAUME DE YEDUDA PAR NABUCHODONOSOR II

 

Nabuchodonosor est le plus célèbre roi de Babylone, il était le fils de Nabopalassar, fondateur de la dynastie chaldéenne et roi de Babylone. Son père mena de grandes campagnes militaires, il s'empara des territoires assyriens du haut Euphrate avec l'aide des Mèdes et des Cimmériens.

Nabuchodonosor dont le nom en babylonien se prononce Nabou-Koudourri-Ousour ce qui signifie "dieu protège le fils" ou "dieu protège la borne". En Hébreu son nom se prononce Neboukadneçar. Donc ce roi intrépide va compléter les conquêtes de son père. En -605 il franchit l'Euphrate par surprise est attaque la ville de Karkémish qui est aux mains des troupes du Pharaon Néchao, la victoire est totale. Une chronique babylonienne nous apprend "qu'aucun Egyptien ne rentra chez lui". Auparavant Néchao avait vaincu le roi de Juda Josias à Meguiddo.  Toute la région de Hamath fut reprise, y compris le site stratégique de Riblah clef des routes du Sud et de la Méditerranée qui était sous contrôle égyptien. Nabuchodonosor envahit la Syrie, la Palestine et menaçait l'Egypte quand la mort de son père le rappela à Babylone. Ses victoires consacrent la puissance néo-babylonienne.

 

Nabuchodonosor lance une première attaque contre Jérusalem dès - 605 et asservi le roi de Juda Joïaquim qui doit payer un lourd tribut.

 

En - 601 a lieu le grand choc avec la fastueuse Egypte, dans la plaine de Gaza s'affronte deux armées colossales, les pertes sont terribles de part et d'autre. Mais c'est Babylone qui l'emporte de justesse. Une chronique babylonienne nous dit qu'il faudra un an aux Babyloniens pour reconstituer et entraîner une nouvelle armée. Malgré cette victoire à la Pyrrhus, Joachim Roi de Juda fait acte d'allégeance à l'Egypte qui vient de perdre le contrôle de l'Asie et s'affranchit ainsi de la tutelle babylonienne. C'est une erreur stratégique lourde de conséquence pour l'avenir du Peuple Juif.

 

 

 

Durant les années - 590 et - 598, les Babyloniens encouragèrent les Arabes de Quédar, Moab et Ammon, à envahir Juda.  Puis, "le second jour du mois d'Adar, dans la septième année de son règne (16 mars 597), il (Nabuchodonosor) prit la cité de Juda (Jérusalem) qu'il avait assiégée. Il fit prisonnier son roi et nomma un souverain de son choix. Prenant un énorme butin, il l'envoya à Babylone. " Ainsi la chronique babylonienne rapporte-t-elle l'exil des Juifs à Babylone, où des documents précis attestent la présence de Yekoniah (fils de Joïachim) pendant les trente années suivantes.

 

Après diverses interventions dans l'empire Néo-Babylonien, Nabuchodonosor est contraint de remettre le siège devant Jérusalem, malgré l'envoi d'une armée de secours par le Pharaon Apriès, Jérusalem tombe de nouveau. En Juin - 587, Sédécias avec sa famille et quelques courtisans s'enfuient de nuit par une brèche faite au rempart. Poursuivis par les Chaldéens qui cernent la cité de David, ils sont rejoints dans la plaine de Jéricho. Sédécias est emmené à Ribla où se trouve l'état major de Nabuchodonosor; ses fils sont égorgés devant lui, puis le roi de Babylone fait crever les yeux du malheureux souverain de Juda et l'emmène enchaîné à Babylone. Entre-temps que devient Jérusalem? Cette fois-ci la ville est ravagée. Tous les avant-postes des collines tombèrent, les murailles furent battues en brèche, et le Temple de Salomon livré aux flammes tomba en Août 587 ou 586 selon le calendrier adopté, la cité devait se rendre définitivement en Septembre. Les Babyloniens mettent en place un nouveau gouvernement sous la direction de Guedalyahou installé à Mispah. Tout est consommé, c'est la fin de l'indépendance du Peuple d'Israël.

 

Guedalyahou devait rendre compte au gouvernement babylonien installé à Samarie, d'un district qui s'étendait jusqu'à Lakish. Les vignerons et certains cultivateurs furent laissés sur le territoire de Benjamin, au nord de Jérusalem, pour entretenir les anciens domaines royaux et fournir la cour de Babylone, comme ils fournissaient auparavant celle de Jérusalem.

 

Le gouverneur Juif des deux anciens royaumes israélite devait être assassiné par des sicaires envoyés d'Ammon, en représailles, un nouveau raid babylonien met fin à l'indépendance d'Ammon. Les Babyloniens lors de ce raid, déportent un contingent supplémentaire de Juif.

 

D'après 2 Rois XXIV, 14 et Jérémie en LII, 28-30 nous avons les chiffres suivants pour la première déportation en - 597 et celle de la prise de Jérusalem en - 586.  Le Peuple Juif fut déporté en quatre vagues successives :

1°) 10 000  prisonniers, 2°) 3 023 prisonniers, 3°) 832 prisonniers, 4°) 745 prisonniers. Au total 14 600 personnes furent implantées en Babylonie.

 

Il existe deux thèses qui s'affrontent pour connaître le nombre réel des déportés. La première est la thèse maximaliste :

 

- Des orientalistes spécialisés dans l'étude de cette période, se référant aux opérations de ce même genre pratiquées sur une grande échelle par les armées assyriennes tout d'abord et, plus tard, par les cohortes chaldéennes, soulignent que dans énumérations de ce genre on ne recense ni les femmes, ni les enfants, ni la domesticité. Pour nous faire une certaine idée de l'importance de la troupe des captifs, il convient donc de multiplier le total indiqué ci-dessus par le coefficient 4 ou 5. Ce qui nous donne un chiffre global de 50.000 à 60.000 déportés.

 

 

 

La seconde hypothèse se nomme la thèse minimaliste:

 

- Ces auteurs prennent, comme éléments de leurs calculs, les indications numériques les plus faibles qui se trouvent indiquées dans les textes bibliques, à savoir 3023 + 832 + 745, c'est-à-dire 4 600 hommes. En multipliant par 4, nous obtenons le chiffre approximatif de 20 000 prisonniers pour les trois déportations.

 

Selon les mêmes biblistes, on peut admettre que, avant la déportation, Juda comptait environ 100 000 habitants (30 habitants au km2 pour une superficie d'environ 3 000 km2). Ainsi donc on estime que les trois quarts des Judéens seraient restés sur le territoire national.

 

Cela étant dit, nous allons maintenant nous transporter dans la Babylone du temps de l'Exil.

 

II - LA VIE QUOTIDIENNE DES JUIFS A BABYLONE

 

" Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et pleurions,

nous souvenons de Sion...

Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite se dessèche!

. Psaume . (137 : 1,5)

 

Cette vie de tous les jours se passe plutôt bien malgré la nostalgie perceptible dans le Psaume 137, très bien même. Les Juifs ne sont réduits ni en esclavage, ni en servage, ils acquièrent un statut d'homme libre à l'intérieur des limites de la cité. Après la mort de Nabuchodonosor survenue en - 562, la condition de vie des Juifs s'améliorent sensiblement. Les israélites forment des communautés et le pays se trouvant au faîte de la prospérité leur offre -selon des documents babyloniens- de nombreuses possibilités d'atteindre à des positions considérées et à la fortune. Les Juifs suivent en cela le conseil de Jérémie qui s'adressant aux déportés dit :

Construisez vous des maisons et habitez-les; plantez des jardins et mangez-en les fruits... Multipliez-vous là-bas au lieu de diminuer. Recherchez le bien de la ville où je vous ai fait déporter. (Jérémie XXIX; 5-7).

 

Pour illustrer la vie d'un groupe de déportés à Babylone, nous allons utiliser les lumières de l'archéologie, de l'Assyriologie plus exactement. Il y a trente ans, des archéologues de l'Université de Pennsylvanie découvrir à Nippur près de Babylone, de grands vases en terre cuite soigneusement scellés avec de l'asphalte. Ils contenaient les archives de la famille juive des Murachu, ne famille qui avait réussie. Les Murashu fondèrent une sorte de banque internationale à Babylone, mais aussi une compagnie d'assurance, une entreprise de locations et prêts et une entreprise immobilière, c'était un peu les Rothshild de l'époque. Le siège était situé à Nippur et il entretenait des succursales dans tout le pays. Cette société de renommée mondiale était une sorte de "Lloyds" et de "Paribas" antique. Leur banque subsista longtemps, on la connaissait encore en Mésopotamie du temps des Perses. Les "papiers d'affaire" que les archéologues ont retrouvés, sont riches d'enseignements sur la vie des déportés, leurs noms, leurs occupations et leurs propriétés. C'est un exemple remarquable où l'archéologie rejoint la Bible dans ses affirmations.

 

 

 

 

 

Voici l'histoire que nous livre les tablettes d'argiles retrouvées à l'écriture cunéiforme:

 

Pendant plus de cent ans, l'entreprise jouit de la confiance de ses clients qui se recrutaient dans tous les milieux, depuis les gros fermiers et les concessionnaires de canaux jusqu'aux esclaves.

Ceux qui ne savaient pas écrire imprimaient la marque d'un ongle au bas des documents en guise de signature. L'un des documents nous relate qu'un jour trois joailliers se présentèrent chez Muraschu, ils se nommaient Elil-aha-Iddina, Belsunu et Hatin. Ils s'adressèrent en ces termes à Elil-Nadim-Sum, fils de Murashu, notons au passage la forme babylonienne du nom d'un Hébreu, ce qui prouve la parfaite intégration des déportés dans la société mésopotamienne:

 

- En ce qui concerne la bague ornée d'une émeraude, nous en garantissons la monture pour une durée de vingt ans. Si la pierre devait tomber avant les vingt ans en question, Elil-ha-Iddina, Belsumu et Hatin verseront à Elil-Nadim-Sum la somme de dix mines d'argent.

 

Ce document comporte sept signatures, devant le nom du notaire se trouvent les empreintes de trois ongles, ce sont les signatures des trois joailliers qui ne savaient pas écrire.

 

Plus loin, nous trouvons qu'un Juif exilé du nom de Mannudannijama (autre forme babylonienne d'un nom) consulta Murashu parce qu'il avait l'intention de conclure avec un Babylonien un contrat de fermage pour un troupeau comprenant treize vieux béliers, vingt-sept béliers de deux ans, cent cinquante-deux brebis pleines, quarante béliers d'un an, quarante brebis d'un an, un vieux bouc, un bouc de deux ans.

 

La banque Murashu recevait aussi des cautions pour des débiteurs emprisonnés. Elle avait des sections spécialisés pour chacun des cas qui pouvaient se présenter. L'intérêt versé était de 20% comme le voulait la coutume d'alors.

 

C'est là l'exemple attesté que nous avons de la réussite d'une famille juive en Babylonie. Mais il y a d'autres cas. Nous savons que certains Hébreux ont été initiés par les mages-prêtres de Babylone à la science des étoiles, à l'astronomie et l'astrologie, mais aussi à l'angélologie et à la démonologie. Nous savons que la célèbre Lilith, première femme d'Adam d'après certains commentaires rabbiniques, n'est que l'adaptation hébraïque de l'entité babylonienne Lilitû, qui était un vampire femelle qui s'attaquait aux enfants la nuit. D'autres déportés vont s'occuper d'agriculture sur des terrains qu'on leur loue. Malgré une bonne intégration, il faut bien souligner que le Peuple Juif garda toujours sa spécificité, il ne dissoudra pas dans la masse des autochtones. Cet exil eut une influence marquante sur la religion juive, qui, pour la première fois n'avait plus de Temple pour centre. Certains historiens du Judaïsme pensent que ce soit dans ces circonstances qu'émergea le culte de la synagogue. Les exilés auraient tenu leurs propres offices avec des prières à Dieu pour le retour à Sion et la reconstruction du Temple. Les Juifs de Babylone auraient été encouragés dans la pratique de cette liturgie de l'exil par l'une des figures prophétiques principale de la communauté : Ezéchiel.

 

C'est ce que nous pouvons dire pour cette période sous les rois de Babylone, mais l'âge d'or est à venir, il arrive avec les Perses qui envahissent l'Empire Babylonien sous la conduite d'un homme que le prophète Isaïe qualifie de "oint de Dieu", c'est-à-dire Cyrus le grand.  fondateur de l'Empire perse achéménide. Nous sommes aux environs de -550.  Cyrus autorise les Juifs à reprendre le chemin d'Eretz-Israël, il favorise la reconstruction du Temple de Jérusalem et rendit les vases sacrés pris par Nabuchodonosor.

 Notons au passage que Cyrus le Grand est l'inventeur des premiers Droits de l'Homme au sens moderne du terme et il est le prototype du conquérant universel et tolérant, dont s'inspirera quelques siècles plus tard un jeune roi de Macédoine; Alexandre le Grand. En - 538 une caravane de Juifs sous la conduite de Chechbaççar quitte Babylone pour la Judée.  

 

Puis c'est un  groupe plus important de Juifs babyloniens qui décident de revenir en Eretz-Israël sous la conduite d'un prince juif nommé Zorobabel entre -536 et - 522.

Zorobabel devient gouverneur de Judée et le prêtre Josué son compagnon de route devient grand-prêtre. Des espoirs de restauration monarchique se portèrent sur ce prince, mais sans lendemain, il restera gouverneur.  Zorobabel et Josué furent soutenu par la prédication des prophètes Aggée et Zacharie.

 

Malgré cette autorisation de revenir en Terre Sainte, tous les exilés ne répondirent pas à l'appel au retour. Ils furent nombreux à rester à Babylone, qui deviendra la première communauté juive de la diaspora. C'est de cette communauté juive de Babylone que va se répandre d'après les Rabbins, l'écriture dite Hébreu carré. Il y a aussi une introduction des noms de mois babyloniens dans le calendrier hébraïque, c'est dire l'acculturation de cette communauté.

 

Avec les conquêtes d'Alexandre le Grand, les Juifs de Babylone passent comme leurs frères de Palestine, sous le pouvoir séleucide. Mais dès le IIe s. de l'ère commune, ils se retrouvent sujets des Arsacides Parthes, qui instaurent un régime quasi-féodal sur l'ancien Empire Perse. Cette puissance Parthe commence dès le IIIe siècle avant l'ère commune pour se terminer aux environs du IIIe siècle de l'ère commune, pendant cette période les Parthes tiennent en échec le redoutable Empire Romain. Les Parthes ne céderont le terrain qu'aux Sassanides en 224 de l'ère commune. Nous savons peu de choses de la vie de la communauté juive sous les Parthes, l'historien Flavius Joseph indique que les Juifs sont fort nombreux à Babylone, et que leurs frères d'Eretz-Israël escomptaient leur aide lorsqu'ils préparaient une révolte contre Rome. Toujours dans l'oeuvre de Flavius Joseph, nous trouvons deux détails intéressants, contemporains de l'historien. Il s'agit de l'aventure de deux frères de la ville de Neharde'a au bord de l'Euphrate, qui vont fonder près de la ville de Séleucie une sorte d'Etat pirate, et la fameuse conversion au judaïsme des rois d'Abiabène.

 

Ce n 'est qu'après la chute du Temple en 70 et la révolte de Bar-Kohhba (132-135) que nous pouvons suivre avec exactitude l'histoire des Juifs de Babylone, ou, mieux encore, après la chute du régime parthe et l'avènement de la dynastie Sassanide en 224 qui subsistera jusqu'à l'invasion des fils d'Ismaël, c'est-à-dire les conquérants musulmans. Les sources relatives aux deux premiers siècles de l'ère commune ignorent le concept de yeshiva et seuls de rares Maîtres sont mentionnés à Babylone, tel le fameux Rabbi Akiva qui était semble-t-il à l'origine un prosélyte.

 

Après la grande révolte du Fils de l'Etoile, on voit des groupes de Sages quitter Israël pour aller en Babylonie, sans doute poussés par les persécutions infligés par les Romains. Parmi eux, Khanania qui tente de fixer le calendrier hébraïque.

 

A partir de la fin du IIe siècle et du début du IIIe siècle, on rencontre pour la première fois le chef politique de cette communauté et son représentant auprès des autorités : le rosh ha-gola c'est-à-dire l'exilarque, littéralement le chef de l'exil.

 

 

 On ignore les origines exactes de cette institution, mais pour les Juifs de Babylone à l'époque du Talmud, le rosh ha-gola devient un rejeton de la lignée de David. 

 

 Avec l'implantation du nouveau régime sassanide, qui est un état centralisateur et de religion zoroastrienne, certains responsables de la communauté babylonienne craignent une ingérence du roi et du clergé zoroastrien. Mais une fois de plus, tout se passe bien, et les Juifs de Babylone vivent une longue période de prospérité et d'éclat culturel.

 

Les historiens du Judaïsme pensent que le temps de la rédaction du Talmud de Babylone, oeuvre colossale, s'ouvre aux environs de 219 de l'ère commune avec la venue d'Eretz-Israël du maître babylonien Rav de retour au pays et se termine aux environs de l'an 500 de l'ère commune, avec la mort de Ravina  dernier des amoraïn c'est-à-dire interprète de la Loi.

 

L'Exil des Juifs de Babylone est une prodigieuse aventure qui dura presque 1000 ans.  Il est impossible de rentrer dans les détails de la rédaction du Talmud de Babylone, il faudrait faire une autre conférence sur le sujet. Nous allons maintenant étudier l'impact théologique de l'Exil de Babylone d'après les Rabbins.

 

III - L'EXIL DE BABYLONE VU A LA LUMIERE DE LA THEOLOGIE JUIVE

 

 

Dans le livre de Daniel (Dn II, 31-45) et (Dn VII, 1-27) on trouve à deux reprises une prédiction qui annonce quatre dominations successives avant la venue du Messie. Et comme ce livre est censé se passer sous la domination babylonienne, les rabbins ont considéré que la première domination est celle qui commença en - 586 avec la destruction du Temple, le sac de Jérusalem et l'exil des Judéens à Babylone et qui se termina 70 ans plus tard avec l'Edit de Cyrus permettant le retour des exilés et la reconstruction d'un nouveau Temple.

 

Les Midraschims, et en particulier le Midrash Lamentations Rabba ont beaucoup insisté sur l'épisode traumatisant de la destruction du Temple de Salomon. Tout d'abord, ils en ont montré le caractère fatal : les gens de Jérusalem étaient certes moins coupables d'idolâtrie que leurs voisins du Nord  - ce qui leur valut de connaître un répit de 136 ans - mais ils s'y étaient tout de même livrés plus que de raison. Le Temple devait donc être détruit et c'est le méchant Nabuchodonosor qui fut choisi -malgré lui, dit le Midrash Lamentations Rabba- pour punir Israël d'avoir trompé son Dieu avec de vaines idoles. Lorsque Nebuzadar assiégea la cité, Dieu fit durer le blocus trois ans dans l'espoir que les Hiérosolymitains reviennent à résipiscence et annulent la sentence funeste. Mais en vain : le destin suivit son cours fatal et le 9 de Av 586, à l'issue du Shabbat, à l'expiration de l'année sabbatique, le Temple fut détruit et le sanctuaire brûlé.

 

Le Midrash raconte que lorsque la colonne des prisonniers judéens quitta Jérusalem, les mains entravés par de pesantes chaînes, les Ismaélites vinrent à leur rencontre ne faisant mine de vouloir leur apporter à boire et à manger. Ils commencèrent à leur donner dans lésiner du pain salé et quand les Judéens eurent mangé de ces mets assoiffants, ils voulurent de l'eau, mais les cruels ismaéliens ne leur donnèrent que des outres vides. La tradition juive considère que la destruction du Temple eut pour conséquence funeste le départ de la Présence divine de ce lieu élu entre tous.

 

 

  Mais certains affirment pour se consoler que cette Présence divine suivit les exilés à Babylone pour partager les souffrances du déracinement. Il semble même que voyant ses enfants dans la détresse, Dieu se dit qu'il n'avait plus qu'à ramener le monde au chaos d'avant la création, puisqu'aussi bien il n'avait créé le monde que pour son peuple de justes. Les anges voulurent alors le consoler et il se ressaisit alors en disant : Suis-je un être de chair et de sang pour avoir besoin de consolation? Et il manda les anges à Babylone pour aider les exilés à supporter leur sort cruel.

 

Le Rav Kahana rapporte que les Babyloniens qui conduisaient la colonne de prisonniers ne voulurent pas s'arrêter un seul instant tant que la colonne des captifs se trouvaient encore en Terre d'Israël, de peur que les prisonniers n'aient le temps de revenir à résipiscence. En effet, si cela s'était produit, les Babyloniens auraient subi le même sort que les armées de Sennachérib venues assiéger Jérusalem au temps d'Ezéchias et tuées miraculeusement à la suite du repentir du roi.

 

A propos du Psaume 137 qui commence par la phrase " sur les bords des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions", une tradition rapporte que ces pleurs n'étaient pas seulement causés par la douleur psychologique de l'exil, mais aussi par le fait que les eaux de l'Euphrate étaient imbuvables pour les Judéens habitués à boire de l'eau de pluie et l'eau de source. Et donc beaucoup d'exilés moururent empoisonnés par les eaux de l'Euphrate.

 

Pourtant l'exil babylonien n'est pas toujours présenté de façon aussi sombre que dans les commentaires rapportés ci-dessus. C'est ainsi que la tosefta signale que si le premier exil eut lieu en Chaldée, c'est justement parce qu'Abraham, l'ancêtre de la nation, venait de là-bas. Et Rabbi Yohanann ben Zakkaï de comparer cela au cas d'une femme qui aurait trompé son mari et que ce dernier aurait renvoyé dans la maison de son père.

 

CONCLUSION

 

 

L'exil en babylonie est à la source d'une des plus grandes diaspora, celle de Mésopotamie, qui fut à l'écart de l'influence gréco-romaine. Cette communauté florissante se dota d'institutions originales et d'un mode de vie spécifique qui devait s'épanouir telle la rose aux 13 pétales de la cabale, en un livre fascinant le ylbb dwmlt Talmud Babli ou Talmud de Babylone.

 

Pour terminer cet exposé je vous propose de faire un tour des principales villes de Babylonie où était présente une communauté juive importante à l'époque de la formation du Talmud.

 

daDgB Bagdad : A l'époque talmudique, Bagdad est une petite ville. Sa communauté juive compte plusieurs sages surnommés précisément : "de Bagdad". hatDgB.

 

yazwj yB Bei 'Hozaï. Région au sud-ouest du Tigre, connue plus tard sous le nom de Khuzistan. Sa population juive, ramification de celle de Babylonie, étant éloignée des grands centres talmudiques, passe pour être ignorante. Elle entretient néanmoins avec le centre babylonien

d'étroites relations commerciales auxquelles bien des juifs, dont des sages participent activement.

 

8

lxWh Houtsal. Petite ville de Babylonie où vit une très ancienne communauté juive de descendants de la tribu de Benjamin. Nombre de sages réputés sont originaires de Houtsal.

Ses citoyens étaient connus pour leurs coutumes particulières. Le Talmud (Meguila 29 a) dit de son ancienne synagogue qu'elle est l'un de ces lieux privilégiés que la Présence divine n'a jamais quittés. D'après Rav Sherira Gaon, Houtsal se situe à proximité de Neharde'a.

 

yrpK Kafri. Petit village, sans doute situé au sud de Soura, sur l'un des affluents de l'Euphrate. Sa communauté juive est très ancienne et nombre de familles illustres, par exemple celles de Rabbi 'Hiya et de Rav, habitent Kafri, y compris, semble-t-il le rèch galouta (l'exilarque).

 

azwjm Me'hoza. Ville sur le Tigre, près du fleuve Malca. C'est une importante cité commerciale à majorité juive qui, contrairement à ce qui se passe ailleurs, vit du commerce. La ville compte un grand nombre d'immigrants juifs originaires de plusieurs pays et des prosélytes. Après la destruction de Neharde'a en l'an 259 de l'ère actuelle, sa yechiva est transférée à Me'hoza qui devient alors un grand centre de Tora, sous l'égide de maîtres éminents, comme Rav Nah'man, Rav Chéchèt, Rava (qui sera plus tard directeur de la yechiva), Amèmar et Rav Cahana (le maître de Rav Achi). Après la mort d'Abayè (en 338), la yechiva de Poumbedita (dirigée par Rava) est aussi transférée pour un temps à Me'hoza.

 

 ncym Mèchan (Mésène). Région du Sud de la Babylonie, à l'est du Tigre. Sa communauté juive est réputée de moindre extraction et de moindre érudition.

 

aysjm atm Mata-Me'hassya. Petite ville proche de Soura. Rav Achi y rédige le Talmud. Plus tard, semble-t-il, Soura et Mata-Me'hassya vont fusionner.

 

aooo <<Drhn Neharde'a. Ville sur l'Euphrate, près du fleuve Malca, qui vit l'une des plus anciennes communautés juives de Babylonie (depuis le premier Temple au VIe siècle, avec l'exil de Joachim, roi de Juda, dit la tradition). Foyer de la Tora, sa yechiva est la plus ancienne de Babylonie. Elle reçoit des visiteurs de marque, comme Rabbi Akiba qui y décide, une année, d'intercaler un mois supplémentaire dans le calendrier. (Yebamot 22 b). A l'époque de Rav (première moitié du IIIe siècle de l'ère actuelle), la yechiva de Neharde'a est dirigée par Rav Chela, puis par Chemouel, la ville est proche de la frontière qui sépare l'Empire romain de l'Empire Perse et de ce fait, elle souffre des guerres incessantes entre ces puissances. Papa ben Nazer Odonathus, roi de Tadmor, la détruit complètement en l'an 259. Plus tard, les Juifs s'y réinstallent et nombre de maîtres y demeurent, même après le transfert de sa yechiva à Me'hoza et à Poumbédita.

 

nybyxn Netsibine.  (Nissibis). Ville fortifiée du Nord de la Babylonie où vit la plus grande partie de la communauté juive à l'époque du Second Temple et pendant les années qui suivent immédiatement. Le plus prestigieux rabbin de Netsibine, Rabbi Yehouda ben Betèra I, est l'un des grands maîtres de la fin du Second Temple. Toute la famille des "Benè Betèra", semble-t-il, est originaire de cette ville. La ville sera détruite par l'empereur romain Trajan au début du IIe siècle de l'ère actuelle.

 

 

 

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crn Nérèch (Narès) . Ville babylonienne au sud de Soura. Plusieurs sages de Nérèch sont mentionnés dans le Talmud. Rav Papa, l'amora qui habite à Nérech, s'y montre très actif (vers la moitié du IVe siècle). On y transfère momentanément la yechiva de Soura.

 

arWs Soura. Ville du Sud de la Babylonie. Sa communauté juive n'est pas très importante jusqu'à l'arrivée de Rav, le grand amora, qui y fonde une yechiva (en l'an 220). Dès lors et jusqu'à la fin de l'époque des Gueonim (à l'issue du premier millénaire) Soura sera un grand centre de la Tora. Sa yechiva, dirigée par les plus proches disciples de Rav, est fortement influencée par la tradition halakhique d'Eretz-Israël; elle est réputée pour son approche particulière de l'étude. Parmi les grands maîtres de Soura, on peut citer Rav Houna, Rav 'Hisda, Ravina et Rav Achi. La majeure partie du Talmud de Babylone y est rédigée. Il existe une autre ville du même nom. Pour éviter toute confusion, on appelle cette dernière : trfd arWs,

"Soura de l'Euphrate".

 

atydBmWP  Poumedita. Ville sur l'Euphrate, au nord-ouest de Neharde'a qui reste longtemps un centre important de la communauté juive. Dès l'époque du Second Temple, elle est appelée hlwG

"la Diaspora", et on la considère comme le foyer du judaïsme babylonien. Après la destruction de Neharde'a, sa yechiva sera transférée à Poumbedita, elle fonctionnera sans interruption jusqu'à la fin des Gueonim. Les sages de Poumbedita sont réputés pour leur sagacité. Les directeurs les plus fameux de la yechiva de la ville sont : Rav Nah'man bar Yits'hak, Rav Zevid et Rafram. Sa renommée est aussi très grande à l'époque des Gueonim et éclipse bien souvent celle de Soura. Les derniers directeurs de la yechiva sont les fameux Rav Sherira Gaon et Rav Haï Gaon.

 

C'est sur l'évocation de la fameuse yechiva de Poumedita que nous achèvrons notre voyage dans le monde de l'Exil Babylonien, aux multiples facettes riches en couleur. Je vous remercie de votre attention, le débat est ouvert.

 

 

 

"Le travail a esté mien, le profit en soit au lecteur, et à Dieu seul la gloire".

 

 

28 767 caractères.

 

 

 

 



07/05/2006
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